Invalides en emploi : 17 mois de pensions enfin rattrapés!

Le décret rectificatif portant sur le cumul pension invalidité/salaire, rédigé en juillet 2023, est enfin appliqué en mai 2024. Mais les montants attendus des pensions rétroactives ne sont pas toujours ceux versés. Un dossier alambiqué...

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Ballon portant le chiffre 17 avec des cadeaux autour.

C'est une bonne nouvelle. Le décret de juillet 2023 qui fait passer le PASS (Plafond annuel de la Sécurité sociale) de 1 à 1,5 pour le cumul pension d'invalidité et salaire est enfin appliqué début mai 2024, après neuf mois d'attente ! Pour autant, cette mise en place s'accompagne d'un capharnaüm. Tentons d'éclaircir la situation…

Rappel des faits…

Avant toute chose, rappel des faits avec deux chiffres : sur 900 000 pensionnés d'invalidité, 300 000 seraient en emploi à temps partiel. Tout commence donc par un autre décret (2022-257) publié en 2022 ; une réforme qui a pour objectif initial de favoriser le retour à l'emploi ou le maintien d'une activité professionnelle des pensionnés d'invalidité mais qui pénalise dans le même temps ceux dont le cumul pension + salaire dépasse 1 PASS (à l'époque 3 666 euros brut par mois). Et pas seulement eux d'ailleurs puisqu'une nouvelle règle impose aussi une comparaison des revenus sur douze mois glissants et non plus sur deux trimestres consécutifs. Mais ne compliquons pas les choses…

Des situations dramatiques

Pour des milliers d'entre eux (8 000 selon le gouvernement, 25 000 selon les associations), la claque est sévère, perdant tout ou partie de leur pension, ainsi que, lorsque cette dernière tombe à 0, certains droits annexes (rente prévoyance, points retraite et assurance de prêt) (Lire : Retraite, prêt, rente : réforme invalidité, autres dommages!). Ils sont alors contraints de réduire ou de cesser leur activité pour conserver leurs droits. Un comble ! Des associations montent aussitôt au créneau tandis que le Collectif des oubliés de la réforme 2022-257 voit le jour pour dénoncer des situations humaines et financières catastrophiques (Réforme invalidité : des pensionnés invisibles et à bout). 

Un décret de juillet 2023

Après plusieurs mois, leurs revendications sont, en partie, entendues par le gouvernement. Un décret rectificatif (2023-684) est publié le 28 juillet 2023, qui relève le PASS de 1 à 1,5 (le Collectif réclamait un PASS à 2) soit, à la date du décret, 5 500 euros brut par mois, sortant de la galère 40 % des pensionnés affectés qui peuvent ainsi retrouver l'intégralité de leurs droits. Il est précisé que ce décret doit « entrer en vigueur dès le lendemain de sa publication ». Pourtant, les CPAM (Caisses primaires d'assurance maladie) préviennent : « Il ne sera appliqué que courant 2024 ». Finalement, ce sera en mai (rectification correspondant à la pension d'avril), avec un rappel sur les neuf derniers mois ! Ouf ?

Des nœuds au cerveau 

Une victoire, certes, mais quelques nœuds au cerveau en prime ! Car les décomptes des Caisses d'assurance maladie ne correspondent pas toujours au montant estimé par les pensionnés grâce au simulateur mis en place par le Collectif. « J'ai une nouvelle dette qui sort du chapeau », « Il me manque 50 euros », « J'ai cinq fois plus qu'attendu », « J'ai trois fois moins », « Est-ce que quelqu'un peut m'aider à décoder ? ». Le Collectif recueille une salve de témoignages qui attestent de « calculs loufoques ». 80 % de ses 1 200 membres semblent confrontés à un problème. Sur les relevés, seul le montant global est indiqué ; impossible de vérifier le calcul fait par les caisses. 

De termes qui brouillent les pistes

Certains observent également un décalage entre le montant net affiché sur le site Ameli.fr et celui réellement versé sur leur compte en banque. Pas d'explication (sauf visiblement sur les relevés de la CRAMIF (Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France)). Bref, un « cauchemar administratif » ! Sur d'autres, une succession de termes brouillent les pistes : « pension de droit propre, retenue sur prestation, découverte de l'indu, montant déduit de l'indu… ».

Pour Marie, par exemple, c'était 30 euros en moins par rapport à son estimation. Un appel à sa caisse la renseigne : « On a déduit vos franchises médicales sur les boîtes de médicaments et les participations forfaitaires sur les consultations qui étaient en attente ». 

Réclamer le détail aux caisses !

Pour le Collectif, « le traçage devient de plus en plus difficile, avec, ces derniers mois, pas mal de grains de sable », entre le nouveau plafond du PASS, les revalorisations (notamment celle de 4,6 % prévue au 1er avril 2024 repoussée en août : Hausse des pensions d'invalidité : pas avant août 2024!)), les régularisations, les ponctions... « Il faut avoir une vigilance et des connaissances en maths de folie. » « Et encore faut-il que les agents des CPAM comprennent la situation car ils semblent dépassés par ces points techniques très précis », ajoute l'un de ses membres. 

Que faire ? Le Collectif invite chaque pensionné concerné à réclamer ce détail à sa caisse, notamment pour vérifier la ventilation des montants mois par mois et faire valoir ses droits au plus juste.

Et pour la rétroactivité de novembre 2022 à juillet 2023 ? 

Reste un autre souci. Le décret rectificatif sur le PASS à 1,5 ne concerne les pensions qu'à partir de juillet 2023 or le problème a démarré dès novembre 2022. Existe-t-il un texte de loi qui couvre cette période ? « Rien d'officiel, un trou de neuf mois ! », s'insurge le Collectif. Il existerait pourtant un courrier d'août 2023 signé de l'ex-ministre déléguée aux Personnes handicapées, Geneviève Darrieussecq, repris par sa successeure Fadila Khattabi, où elles s'engagent à assurer cette « correction rétroactive ». « La plupart des CPAM et la CRAMIF ont bien eu l'info et semblent l'appliquer mais une lettre peut-elle suffire pour faire valoir ses droits en cas de contestation ou assurer des décisions homogènes sur tout le territoire ? », questionne le Collectif, confiant n'avoir « jamais vu un truc pareil ».  

Des indus réclamés à tort

Parce que, comme promis, le dossier est retors, un dernier point de litige (peut-être d'autres à venir…). Certains pensionnés font également face à des « prélèvements sauvages » d'indus de la part des caisses portant sur la période d'avril à novembre 2022 (payés en décembre). En effet, le décret (2022-257) qui a mis le feu aux poudres date de février 2022 mais ses règles ont été mises en application en novembre 2022 avec un effet rétroactif au 1er avril 2022. Un vrai Tetris, plus tordu pas possible ! Ce qui signifie que certaines caisses avaient versé une pension durant neuf mois, avant de la réclamer aux pensionnés ! Face à une telle aberration, la ministre Darrieussecq avait demandé aux caisses d'annuler ces indus (Réforme pension invalidité : les indus ne sont pas réclamés!). Aujourd'hui, certaines semblent refaire le calcul sans tenir compte de cette consigne. Vigilance, donc ! 

17 mois à rattraper !

Pour résumer, c'est en toute logique un retard de 17 mois qui devrait être rattrapé d'un seul coup (de novembre 2022 à avril 2024), selon le Collectif : « C'est énorme et nous sommes tout de même soulagés, même si des milliers de pensionnés ne récupéreront jamais leur pension et les droits annexes ». En cas de problème, il appelle toutes les personnes concernées à le rejoindre sur sa page (privée) Facebook " Les oubliés de la réforme 2022-257 ".

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