Jeux paralympiques Tokyo 1964, moment déclencheur au Japon

Hideo Kondo, 86 ans aujourd'hui, a vu sa vie transformée après les Jeux paralympiques de Tokyo en 1964 auxquels il avait participé, devenant par la suite un pionnier de l'accessibilité urbaine pour les personnes handicapées au Japon.

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Par Kyoko Hasegawa

Alors qu'on l'avait surtout regardé avec pitié jusque-là, "une fenêtre s'est soudain ouverte dans ma vie après avoir participé aux Jeux paralympiques" de Tokyo-1964, déclare à l'AFP Hideo Kondo, qui avait concouru dans différentes disciplines dont le basket-fauteuil et le tir à l'arc. Il s'agissait de la deuxième édition des Jeux paralympiques de l'histoire, quatre ans après les premiers à Rome, mais c'est à Tokyo qu'ils ont été appelés "paralympiques" pour la première fois.

Toujours dans des lieux isolés

Hideo Kondo est en fauteuil roulant depuis un grave accident dans une mine de charbon à l'âge de 16 ans qui lui a endommagé la moelle épinière. Après son accident, il a passé plusieurs années dans un centre de rééducation. Il se souvient que le personnel l'emmenait parfois à la plage avec d'autres résidents, mais toujours dans des lieux isolés. "On nageait au bord d'une plage cachée derrière des pins", loin des foules, car le personnel craignait le regard des autres baigneurs, se souvient M. Kondo. Il a eu la chance de rencontrer Yutaka Nakamura, un médecin japonais ayant joué un grand rôle dans la préparation des Jeux paralympiques de Tokyo-1964, qui lui a proposé de participer à l'évènement. Le jeune homme a soudain vécu beaucoup de premières fois : prendre l'avion, monter et descendre d'un bus sans être obligé d'être sorti de son fauteuil-roulant, ou encore découvrir des espaces accessibles à tous au Village des athlètes.

La 1ère ville du Japon accessible

Il a alors pris conscience que "les personnes avec un handicap pouvaient mener une vie autonome, qui ne soit pas différente" de celles des autres, du moment qu'elles disposent d'un "environnement approprié". Après la compétition, Hideo Kondo a été embauché par la filiale japonaise d'un groupe industriel américain. En tant que secrétaire du président, il voyageait à travers l'archipel, conduisant parfois une voiture, ce qui était très rare à l'époque pour une personne à mobilité réduite. Puis en 1974, il a commencé à travailler comme conseiller pour la commune de Machida, dans la banlieue ouest de Tokyo, dont le maire souhaitait rendre les lieux publics accessibles aux personnes en fauteuil roulant. Il a fait retirer des marches et s'est assuré que l'inclinaison des rampes était suffisamment douce pour les fauteuils roulants. Machida a été "une étape historique", souligne fièrement M. Kondo. "Nous étions en train de créer la première ville du Japon accessible à tous", devenue un modèle pour les réglementations sur l'accessibilité à l'échelle nationale qui sont venues plus tard.

Le mythe des "super-héros"

Avant 1964, les compétitions handisport n'existaient pas au Japon, et les personnes handicapées étaient tenues à l'écart du reste de la société, rappelle Tadashi Watari, un spécialiste de la sociologie du sport de l'université Juntendo à Tokyo. Les Jeux paralympiques d'hiver de Nagano en 1998 ont aussi été un tournant au Japon, les médias locaux ayant commencé à couvrir réellement les compétitions plutôt que de se concentrer sur les handicaps des sportifs, note encore le sociologue. Mais beaucoup reste encore à faire, alors que Tokyo accueille actuellement ses deuxièmes Jeux paralympiques, jusqu'au 5 septembre 2021. Le regard des personnes handicapées au Japon sur l'évènement est partagé car il leur donne parfois l'impression que les para-athlètes sont des "super-héros", une image bien éloignée de leurs difficultés quotidiennes, explique M. Watari. Hideo Kondo lui aussi éprouve des sentiments ambivalents. "J'entends les commentateurs à la télévision s'émouvoir des performances des para-athlètes, mais je me demande ce qu'il restera dans la société japonaise quand les Jeux paralympiques seront terminés", dit-il.

Si l'accessibilité des lieux publics est désormais avancée dans l'archipel, la plupart des gens avec un handicap vivent toujours en marge de la société, insiste-t-il. Peu d'entre elles travaillent, et peu sortent de chez elles. "L'isolement est un gros problème", souligne M. Kondo.

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