Par Catherine Fay-De-Lestrac
"La balle est tirée de la droite, elle est entrée et sortie de la raquette, et c'est Monaco qui récupère le ballon. La raquette, c'est cette zone rectangulaire sous le panier." Dans l'oreillette, une voix décrit au spectateur malvoyant les autres fans agitant leur téléphone portable allumé, et tout ce qui peut se voir dans l'Arena Bercy et sur l'écran géant. A l'occasion des finales de la Coupe de France de basket, fin avril 2024, des spectateurs aveugles ont pu suivre des matches grâce à l'audiodescription.
"On ressent l'énergie"
Equipés d'un boîtier, ils entendent un commentateur sportif décrire les actions tandis qu'une autre voix complète avec des éléments de description visuelle, dans le cadre d'une expérience organisée par Optic 2000 avant les JO. "D'habitude on entend l'ambiance mais on ne sait pas pourquoi le public crie", décrit Sofiane Ahmad, 31 ans, qui avait déjà assisté avec ce dispositif à des matches de rugby, de foot et des compétitions d'athlétisme. "Là, on ressent l'énergie qui se transmet quand les supporters crient tous ensemble, on vit l'instant", dit-il.
Un "plaisir partagé" entre aveugles et voyants
D'habitude, ce fan du PSG suit les matches à la radio, dont les commentaires sont plus descriptifs qu'à la télévision : "Je reconstitue dans ma tête comment cela évolue sur le terrain", souligne celui qui jouait au foot avant de perdre la vue dans un accident de circulation à 19 ans. Le cécifoot qu'il pratique aujourd'hui lui a donné un "cercle social" de non-voyants et voyants, qui suivent parfois ensemble des matches : les voyants devant la TV, les non-voyants l'oreille collée à la radio. "C'est un plaisir qu'on partage."
Partager avec sa famille sans "peser"
Pierre-Marie Micheli, lui aussi non voyant depuis un accident à 25 ans, a adoré vivre un match de rugby en audiodescription avec son père. "C'est rare que je puisse partager des moments avec ma famille sans peser sur eux. J'ai pris le même plaisir que lorsque j'étais voyant", confie cet homme de 37 ans, adepte de rugby et de VTT avant son accident. Il a déjà pu utiliser aussi une tablette tactile, avec un aimant se déplaçant en même temps que le ballon lors d'un match de rugby. "Je sentais avec mes doigts en temps réel la balle qui quittait le terrain, j'ai pu crier avec tout le monde", explique-t-il au sujet de cet outil qui sera utilisé aux Jeux.
Un gilet vibrant qui fait "tout ressentir"
Dans une ambiance de vuvuzela, fanfare et grosses caisses, au milieu des clameurs de l'Arena Bercy, Khaled Kharraz, sourd, a lui aussi pu profiter pleinement du basket grâce à un gilet vibrant qui convertit les sons en vibrations, transmises dans son dos. "Je ressens tout : le ballon qui rebondit sur le terrain, les pas des joueurs qui se déplacent, le public qui hurle quand il y a un panier. Les vibrations sont différentes : il suffit alors d'observer ce qui se passe pour faire le lien", explique-t-il. "Je suis vraiment dedans", dit-il, ravi de pouvoir vivre le match avec un ami.
Des dispositifs encore peu répandus
Encore peu répandus, ces dispositifs sont surtout utilisés pour le football, le tennis et les disciplines paralympiques. Les associations espèrent que les Jeux vont en accélérer leur déploiement. L'audiodescription sera proposée pour six sports (foot, athlétisme, judo, natation, tennis, équitation) et dix disciplines paralympiques, sur treize sites, explique le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques.
Paris 2024 : 460h d'audiodescription et 70h d'oralisation
"Nous aurons 460 heures d'audiodescription et avons ciblé les sports que les experts en handicap visuel nous ont dit être les plus intéressants pour eux", explique à l'AFP Ludivine Munos, responsable de l'intégration paralympique à Paris 2024. France Télévisions mettra en place 70 heures d'oralisation pendant les Jeux, sur un canal spécifique, précise-t-elle. La tablette tactile, elle, sera déployée sur six sites, pour des compétitions de foot, rugby, basket et quatre sports de ballon paralympiques.
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