Julian Molina a quitté mi-octobre 2017 pour la première fois son village natal, situé dans les Andes colombiennes, pour venir à Paris. Il était l'un des invités triés sur le volet du Sosh Urban Motion, un concours vidéo qui fait référence dans le monde du BMX freestyle. Magique !
Amputé pour éviter la gangrène
Durant une semaine, accompagné du photographe et réalisateur espagnol Fernando Marmolejo, il a arpenté tout Paris à la recherche de spots, ces endroits propices aux cascades en tout genre pour proposer la meilleure vidéo. Face à lui, des pointures : l'Américain Tyler Fernengel ou l'Allemand Bruno Hoffman, qui vivent chacun au quotidien avec 6 sponsors. Julian Molina n'a aucun sponsor et a été repéré grâce à ses vidéos postées sur les réseaux sociaux. Il a tout simplement forcé l'admiration. Écrasé par un bus quand il avait 7 ans, on lui a coupé la jambe pour éviter la gangrène.
Avec les tripes
« Je me considère comme un garçon qui a des tripes, de la passion et du coeur. Je me sens très fier de ce que je suis. Parce que je vis ma passion. Et ce n'est pas tant pour moi que pour les autres. J'aime ce sport et ça m'a donné les ailes que je n'avais pas pour avancer », répond le Colombien, plutôt gêné quand on lui demande ce qu'il pense de lui-même. Le teint hâlé, les cheveux longs et la casquette sur la tête comme tout bon rider, il exécute ses figures acrobatiques en appui sur une seule jambe. Dans un lent rituel, il retire systématiquement sa prothèse bardée d'autocollants, avant d'enfourcher son vélo.
Une hauteur de 3 étages
Hadrien Picard, co-organisateur de l'événement parisien, a « été subjugué » par Molina, « par son aisance sur un vélo avec une seule jambe ». « Il a un équilibre changé, moins de force et ce qu'il fait est assez violent, il encaisse tout dans une jambe. Ça fait 20 ans que c'est ma passion et j'en ai vu des choses incroyables mais là c'est vraiment quelque chose », souligne Hadrien Picard. Le jeune Colombien a bluffé toute la communauté même si ses tricks (figures) ne sont pas aussi aériens que ceux des tout meilleurs. Ou pas encore. Car, durant sa semaine parisienne, il a découvert, appris et reproduit des figures exceptionnelles comme celle où il s'élance d'une hauteur de 3 étages.
Pas de limites
« Quand j'ai commencé à faire du vélo, c'était très étrange mais pour moi il n'y avait pas de limites dans ma tête par rapport à ce que je pouvais faire. Je ne me suis jamais dit : 'Mais comment vas-tu faire pour l'équilibre avec une seule jambe ?' Je n'ai jamais pensé que je n'en serai pas capable malgré les commentaires que j'entendais », raconte-t-il. Quand il avait 12 ans, Julian Molina, d'une famille modeste, a vendu chewing-gums et chocolats dans la rue pendant un an pour s'offrir son premier cadre de vélo. « J'avais vu des vidéos de BMX sur Youtube. Les gens sautaient, volaient... J'avais envie de faire quelque chose comme ça un jour. »
3e du concours
L'unijambiste a aussi souffert à Paris. Pour être à la hauteur, il a enchaîné acrobatie sur acrobatie jusqu'à ne plus pouvoir marcher comme l'a confié son filmeur Fernando Marmolejo. Julian Molina a fini 3e du concours, une place pleine de promesses accueillie par un concert de sifflets admiratifs des riders. De retour en Colombie, Julian retrouvera une piste de BMX, qu'il a pu construire avec l'aide du maire et où il fait sa vie tous les jours de la semaine sauf le dimanche où il vend sur le marché les bijoux qu'il fabrique.
Avec un rêve « très fou » : ouvrir sa propre boutique de BMX comprenant un skatepark en sous-sol.
Par Sabine Colpart
© Capture d'écran AFP/Youtube