Se faire trifouiller les oreilles pour lutter contre les migraines ? C'est l'hypothèse originale, mais non moins prometteuse, formulée par le Dr Mireille Michel-Cherqui, anesthésiste et spécialiste de la douleur à l'Hôpital Foch, à Paris. Pour la confirmer, elle a analysé 90 femmes présentant une migraine avec ou sans aura, évoluant depuis plus de six mois, séparées en deux groupes : le premier a effectué 3 séances d'auriculothérapie, espacées d'un mois, le second n'a rien changé à ses habitudes. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue scientifique Frontiers in Neurology en 2023. Voici ses principales conclusions...
Des petites aiguilles dans le pavillon de l'oreille
Mais avant, qu'est-ce que l'auriculothérapie ? Cette technique consiste à traiter des points du pavillon de l'oreille afin de soulager les douleurs. Validée par l'Organisation mondiale de la santé depuis 1987, elle est utilisée au sein des consultations « douleurs » hospitalières ou en médecine de ville. Dans le cadre de cette étude, les séances ont été pratiquées à l'aide d'aiguilles semi permanentes, selon un « protocole systématique ». Ces aiguilles de très petites tailles s'enfoncent dans la peau d'environ 1 à 2 mm, puis tombent d'elles-mêmes en quelques jours. Elles sont habituellement très bien supportées.
Diminution des médicaments et des maux de tête
Verdict : durant les 3 mois de l'étude et « de manière significative », selon les chercheurs, les patientes ayant expérimenté l'auriculothérapie ont pris moins de triptans (antimigraineux) que celles du groupe contrôle, leur qualité de vie a été améliorée et elles déclarent moins de jours avec des maux de tête non migraineux. En revanche le nombre de jours avec céphalées migraineuses, la somme des intensités de douleur et le nombre total d'analgésiques pris (autres que les triptans) ne montraient pas de différence significative entre les deux groupes.
15 % des adultes en France
En France, 15 % de la population adulte est affectée par cette maladie chronique, a fortiori des femmes (deux pour trois hommes). Les « migraineux » souffrent de crises de maux de tête récurrentes, sévères et invalidantes, souvent unilatérales et pulsatiles, accompagnées de troubles sensoriels, comme une sensibilité à la lumière, aux bruits et aux odeurs. Elles entraînent le plus souvent une incapacité à accomplir les tâches quotidiennes et confinent parfois les patients au lit. Ces derniers présentent également souvent des maux de tête non migraineux, moins intenses.
Un handicap personnel et un « poids pour la collectivité »
« Outre le handicap personnel du migraineux et de son entourage, la maladie constitue également un poids pour la collectivité du fait des dépenses médicales et de l'absentéisme professionnel », pointe la Fondation Apicil, qui a soutenu cette étude. La prise en charge médicamenteuse comporte, en effet, le traitement des crises (paracétamol, antiinflammatoires, triptans) et parfois un traitement de fond préventif. Problème : ils peuvent être mal supportés et de nombreux patients se plaignent d'y être dépendants. « Les prises en charge non pharmacologiques prennent une part de plus en plus importante : éducation du patient, identification des facteurs déclenchants, maintien d'un cycle régulier de sommeil/éveil et d'activités quotidiennes régulières, activité physique », poursuit cette fondation de lutte contre la douleur.
Une technique encore peu répandue
Pour l'heure, « l'auriculothérapie est relativement peu pratiquée par les médecins mais il serait souhaitable qu'ils s'y forment », estime la Fondation Apicil, qui accompagne ce projet innovant en accordant une subvention de 28 800 euros. Elle est actuellement pratiquée à l'hôpital Foch à Paris et enseignée aux médecins au sein du diplôme interuniversitaire de Paris-Saclay et Strasbourg. « Ici, on me propose autre chose que des traitements lourds et des médicaments. C'est peu invasif, témoigne une patiente. C'est important pour moi parce que depuis le temps que je prends des médicaments... On m'avait déjà dit que j'étais une droguée parce que j'étais obligée d'en prendre beaucoup pour me soulager. »
Une étude utilisant le laser ?
Prochaine étape : « montrer que des techniques moins invasives que l'utilisation des aiguilles semi permanentes sont au moins aussi efficaces en prévention des migraines et céphalées, annonce le Dr Michel-Cherqui. Dans ce cadre, une étude portant sur l'intérêt de l'auriculothérapie utilisant le laser va démarrer à Marseille sous la direction du Dr Emmanuel Sagui. » Alors restez tout ouïe...
© Fondation Apicil / Hôpital Foch