Le casse-tête des logements neufs pour personnes handicapées

Trouver son cocon n'est pas chose aisée, a fortiori en cas de handicap, entre le manque de logements accessibles et les discriminations des bailleurs. Un habitat indépendant est pourtant moins coûteux pour la société que la vie en institution...

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Un homme donne les clés d’une maison à une femme en fauteuil roulant.

Par Catherine Fay-De-Lestrac

Alexandre, tétraplégique, cherche un appartement depuis trois ans. Ses discussions avec des promoteurs n'ayant pas abouti, il s'est résolu à "acheter un terrain et faire construire selon (ses) besoins". Une illustration, parmi d'autres, de la difficulté à trouver un logement pour les personnes handicapées.

Seuls 20 % de logements neufs accessibles

La loi du 11 février 2005 en faveur de l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées imposait que toutes les constructions neuves soient accessibles aux personnes handicapées. En 2018, la loi Elan a ramené cet objectif à 20 % (Loi ELAN : on va vers 20 % de logements accessibles). Les autres 80 % de logements neufs doivent être "évolutifs" : avec des "travaux simples", ils doivent pouvoir être "adaptés", par exemple en abattant des cloisons non porteuses, explique Jean-Charles du Bellay, spécialiste accessibilité de la Fédération française du bâtiment (FFB). Le résidentiel ancien n'est, lui, soumis à aucune obligation.

Logement indépendant : un coût moindre pour la société

"Le neuf ne représente qu'1 % du parc total de logements. Cela revient à augmenter de 0,2 % de plus par an le parc de logements adaptés, c'est famélique", estime Nicolas Mérille, responsable accessibilité de l'association APF France Handicap. L'objectif de cette réglementation, mise en place depuis 20 ans, est de permettre aux personnes handicapées ou âgées de "ne pas être forcées de vivre dans des Ehpad et établissements médico-sociaux, mais de pouvoir choisir de vivre chez soi", fait-il valoir. Et la vie en autonomie "coûte moins cher à la société que la vie en institution", argue-t-il.

Le handicap, facteur "dépriorisant" pour accéder à un logement

Plus de 220 000 ménages comprenant une personne handicapée vivent dans un logement présentant des problèmes d'accessibilité, indique la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre) dans son rapport annuel publié le 4 février 2025 (Handicap et logement : (encore) un parcours du combattant). Plus précaires que la moyenne, ces personnes sont confrontées à d'importantes difficultés d'accès au logement et victimes de discriminations. "Dans le parc locatif privé, il y a des discriminations à tous les étages", a souligné Manuel Domergue, directeur des études de la fondation, expliquant que beaucoup de propriétaires refusent des dossiers de location notamment par peur de devoir adapter leur logement au handicap. "Il y a une forme d'assignation à résidence faute de réussir à trouver un logement adapté", selon lui.

Pas d'adaptations possibles dans l'ancien

"Dans l'ancien, c'est impossible : les portes sont trop étroites, les ascenseurs trop petits", témoigne auprès de l'AFP Alexandre, tétraplégique depuis un accident à l'âge de 15 ans, qui a discuté avec deux promoteurs pour acheter un appartement sur plan. "Ils ne voulaient pas mettre une porte d'entrée d'immeuble à ouverture automatique, car cela aurait augmenté les charges de copropriété. Ni des portes-fenêtres différentes des voisins car cela aurait dénaturé la façade", explique l'étudiant en informatique de 26 ans.

Un frein économique pour les promoteurs

Pour entrer dans le quota des logements neufs considérés comme accessibles, les biens doivent comporter couloirs larges, grande chambre pour qu'un fauteuil roulant puisse tourner sur lui-même, toilettes et salle de bains de grande taille. L'un des freins, pour les promoteurs, est économique : rendre un logement accessible représente un surcoût compris entre 2 à 5 %, selon la FFB. Autre frein, technique celui-là : depuis 2021, la règlementation impose d'installer par défaut des douches sans ressaut, "à l'italienne", pour faciliter l'accès en fauteuil roulant. Mais professionnels du bâtiment et assureurs craignent que cette solution crée des sinistres, en raison de difficultés de réalisation.

Logements accessibles : souvent loués par des "valides"

Les constructeurs font aussi valoir que les logements accessibles ne sont pas forcément achetés par des personnes en fauteuil, qui comptent pour 1,5 % de la population, et peuvent a contrario ne pas être adaptés aux besoins d'autres publics. "Les 20 % de logements 100 % accessibles, on les vend très rarement à des handicapés", affirme Didier Bellier-Ganière, délégué général de la Fédération des promoteurs immobiliers, qui explique que les propriétaires font parfois à leurs frais des modifications comme installer une baignoire plutôt que la douche "à l'italienne".

D'autres difficultés à palier

Pour les associations, le compte n'y est pas. Le Collectif handicaps, rassemblant les associations, souhaite revenir à 100 % de logements accessibles. Et un logement accessible n'exclut pas des difficultés au quotidien : portes anti-feu trop lourdes, ascenseurs en panne (Panne d'ascenseur en cas de handicap : qui paye l'hôtel?)... 1,7 million de personnes ont eu une panne d'ascenseur de plus de 24 h au cours des trois derniers mois, selon la Fondation pour le logement des défavorisés.

© Canva

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