Sénateurs et députés se sont mis d'accord pour couper la poire en deux ; les premiers proposaient 30 %, les seconds 10, ce sera donc 20 % de logements immédiatement accessibles aux personnes handicapées dans les constructions neuves. « Une discrimination à 10 %, 30 % ou 20 %, cela reste toujours une discrimination ! », s'époumone Henri Galy, président du CDTHED (Comité pour le droit au travail des handicapés et l'égalité des droits).
L'article 18 dans la tempête
Sept députés et sept sénateurs se sont en effet réunis le 19 septembre 2018 en commission mixte paritaire pour trouver un accord sur une version commune du projet de loi Elan sur le logement. Parmi les nombreux articles à débattre, le 18 concerne directement les personnes handicapées. Il prévoit de remplacer l'obligation d'accessibilité actuelle des appartements en construction par un quota, le reste devant être « évolutifs » c'est-à-dire, selon le gouvernement, rendus accessibles aux moyens de « simples travaux » (cloisons amovibles, changement de la douche). « Mensonge éhonté, riposte l'ANPIHM, alors que l'abattage de nombreuses cloisons (voire de placards et penderies attenantes, sans parler des fluides) et leur reconstruction à seulement quelques dizaines de centimètres plus loin pour moduler les espaces susceptibles de permettre le cheminement de personnes utilisant un fauteuil roulant conduira à l'intervention de plusieurs corporations, et donc nécessairement à des chantiers longs et coûteux ».
Une grogne très élargie
La grogne se fait entendre depuis des mois, non seulement du côté des associations mais également du Conseil de l'Europe, du Défenseur des droits et même de l'Onu. La Loi Élan réinstaurerait des quotas qui « auraient pour effet d'assigner une partie de la population à des lieux non choisis », dénonce de son côté le CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées). Régulièrement, la presse se fait l'écho de situations dramatiques, par exemple ce locataire HLM victime d'un AVC et cloîtré chez lui depuis 2014 dans l'attente d'une hypothétique mutation vers un logement accessible correspondant à sa situation et à ses moyens financiers...
Adaptés ou réservés ?
L'avis rendu par la commission paritaire précise que « pour les constructives neuves, tous les logements seront à l'avenir 100% évolutifs mais 20% seront directement adaptés ». Adaptés ? Cela signifie-il qu'ils seront automatiquement et exclusivement dédiés aux personnes handicapées ? C'est en effet une option qui avait été proposée par les sénateurs mais qui n'a pas été présentée à la commission paritaire. De l'aveu d'Henri Galy, « en utilisant le mot 'adaptés', on essaie de faire croire qu'il s'agit d'une nouvelle disposition plus favorable que la mise en place des quotas… Quelle merveilleuse sémantique ! Ceux qui ont cru aux '20 % réservés' ont été trompés par cette astuce… C'était peut-être d'ailleurs l'effet recherché. ». « Il y a clairement un malentendu sur ce sujet, confirme Matthieu Annereau, président de l'APHPP (Association nationale pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées). Comment ça va se traduire dans le réel, à qui seront dédiés ces logements, aux titulaires d'une carte d'invalidité ? Rien n'est défini or c'était quand même le préalable à toute chose. »
En Marche… arrière !
Cette mesure sonne comme une marche arrière de 43 années : la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 a posé le principe de l'obligation d'accessibilité des logements neufs en abandonnant celui, obsolète, des quotas, puis la loi handicap du 11 février 2005 et ses textes d'application ont défini les normes actuelles. « On prétend vouloir aller vers une société inclusive, poursuit Matthieu Annereau, et le seul sésame c'est l'accessibilité universelle. Pour cela, on n'a pas besoin d'autres lois, il suffit de faire en sorte que celles qui existent deviennent réalité. Ce gouvernement manque vraiment d'ambition sur ce sujet. ». Il dit attendre la réaction du Conseil de l'Europe et de l'Onu qui doit rendre son rapport sur le handicap en France en mars 2019.
Des actions coup de poing
Pendant que les hémicycles font leurs petits calculs, d'autres se pressent sur le terrain pour mener des actions coup de poing. A la tête de cette fronde musclée, un collectif réuni autour de l'association Handi-social qui, après avoir bloqué un péage, puis le convoi de l'Airbus A 380, puis une cimenterie Lafarge, a muré le 14 septembre la permanence d'un député LREM à Castres (article en lien ci-dessous). Jean Terlier avait voté… en faveur de la loi Elan ! Les associations dénoncent un projet soutenu essentiellement par les lobbys de l'immobilier et, sans relâche, depuis des mois, exigent le retrait de l'article 18. « On ne peut pas continuer avec cette pression de lobbys qui, notamment dans l'environnement, a poussé Nicolas Hulot à la démission », conclut Matthieu Annereau, qui appellent toutes les parties prenantes à se réunir autour de la table, y compris les architectes et la fédération du bâtiment.
Le site du Sénat précise, le 20 septembre, que le rapport de cette commission mixte paritaire sera consultable en ligne prochainement. Ce texte doit maintenant être examiné par l'Assemblée pour adoption définitive. « L'affaire n'est pas encore enterrée », affirme Henri Galy.