A 29 ans, Leah Stavenhagen est atteinte de la maladie de Charcot : elle veut aujourd'hui sensibiliser sur ce syndrome aux conséquences dramatiques dont on comprend encore mal les causes et qui ne peut actuellement être guéri par aucun traitement. Cette Américaine, qui vit entre la France et les Etats-Unis, a perdu l'usage de ses membres. Clouée dans un fauteuil roulant, elle dépend désormais de ses proches pour toutes les activités de la vie quotidienne. Ce jeudi matin, dans son appartement du 12e arrondissement, sa mère l'hydrate régulièrement avec une paille. Son mari Hugo s'enquiert, lui, de savoir si elle doit remettre l'appareil de ventilation qui l'aide à s'oxygéner et à parler. Il y a seulement quatre ans, Leah était à l'aube d'une carrière prometteuse après un master à HEC. Elle aimait sortir, faire la fête, danser. La « SLA », elle n'en avait jamais entendu parler.
Une paralysie progressive des muscles
Encore assez obscure, la sclérose latérale amyotrophique (SLA), plus connue sous le nom de maladie de Charcot, est une maladie dégénérative grave et handicapante, qui conduit au décès, en moyenne dans les 3 à 5 ans suivant le diagnostic. Elle se traduit par une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité et affecte également la production de sons et la déglutition. Le plus souvent, c'est l'atteinte des muscles respiratoires qui cause le décès des patients. La SLA, qui touche aujourd'hui 5 000 à 7 000 patients en France, débute en moyenne à l'âge de 55-60 ans. Mais elle peut aussi concerner des personnes plus jeunes. C'est à 25 ans que Leah Stavenhagen a ressenti de premiers symptômes, qui lui ont d'abord paru anodins : une perte d'équilibre, du mal à tenir les positions pendant ses cours de yoga. Quand son médecin lui conseille de consulter un neurologue, elle ne comprend pas pourquoi, elle qui est sportive et en pleine santé. Le diagnostic sera long. Il faudra plus d'un an avant qu'on lui dise qu'elle est sans doute atteinte de la maladie de Charcot. Une annonce vécue comme un tremblement de terre : « c'est toute la vie qui bascule ». Pour faire face à la maladie, un seul médicament, le riluzole, est aujourd'hui accessible. Il permet seulement de prolonger de quelques mois l'espérance de vie. De nombreux essais cliniques sont par ailleurs tentés depuis des années.
Un traitement expérimental aux Etats-Unis
Après une dégradation rapide de son état, Leah a commencé il y a deux ans un traitement expérimental aux Etats-Unis, à base de cellules TReg (lymphocites T régulateurs) issues du sang de cordon ombilical, censées combattre les maladies provoquant une activité inflammatoire. Depuis, elle a le sentiment que la maladie progresse moins vite mais aucun résultat scientifique n'a encore prouvé l'efficacité de ce traitement. « La SLA est une maladie complexe et très hétérogène, d'origine génétique pour 10% des patients », explique Pierre-François Pradat, neurologue à la Pitié-Salpêtrière. Pour les autres, « une multitude de mécanismes biologiques, différents d'un patient à l'autre, interviennent : le rôle de l'inflammation, une accumulation de protéines ou un déficit de production énergétique dans les neurones », ajoute-t-il. Parce que les causes sont multiples, il est difficile de mettre au point un traitement auquel tous les malades peuvent répondre. « On s'oriente aujourd'hui vers l'utilisation de 'biomarqueurs' qui permettront de mieux comprendre les mécanismes en jeu pour chaque patient et de créer des traitements plus ciblés », espère Claude Desnuelle, vice-président de l'association Arsla, qui aide les malades.
« Pas que des Stephen Hawking »
Aujourd'hui, Leah Stavenhagen veut sensibiliser l'opinion pour faire accélérer la recherche. Elle a créé une association (Her ALS story) regroupant des jeunes femmes diagnostiquées avant leurs 35 ans. Elle publie aussi un livre racontant son histoire : « J'aimerais danser encore » (avec Sarah Gaudron, éditions de l'Archipel). « C'est très important de dire que cette maladie peut toucher n'importe qui, pas uniquement des personnes âgées ou des Stephen Hawking » (le célèbre physicien, qui a souffert d'une forme rare de SLA pendant 55 ans, ndlr), estime-t-elle. « Souvent les familles n'en parlent pas beaucoup parce que toute leur énergie est consumée par la maladie », ajoute-t-elle. Se refusant à sombrer dans le pessimisme, elle espère aujourd'hui « faire encore des voyages », « profiter de la vie », « stabiliser la maladie » et puis, pourquoi pas, « guérir ».