Alors que les Français prennent le chemin des plages, des montagnes ou de la campagne, des milliers de personnes en situation de handicap restent sur le pas de leur porte. 37,6 % d'entre elles ne peuvent pas s'offrir une semaine de vacances par an. Ce chiffre, issu d'une étude d'Eurostat relayée par l'Observatoire des inégalités en juin 2024, illustre une fracture sociale persistante. À titre de comparaison, 20,4 % des « valides » déclarent rencontrer cette même difficulté financière. Et la situation empire avec l'âge : à partir de 35 ans, ce taux atteint 40 % et même 44 % pour les 45-54 ans.
Partir moins souvent et moins loin
Le handicap ne freine pas seulement l'envie de vacances, il limite aussi les possibilités concrètes de déplacement. Une étude conjointe du ministère de la Transition écologique et de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES, 2023) révèlent que les personnes en situation de handicap effectuent en moyenne 4,1 voyages par an, contre 7,6 pour les « valides ». Leur distance moyenne de déplacement est également plus courte : 942 km, contre 1 238 km pour les personnes sans handicap.
Ces chiffres reflètent la réalité d'un tourisme encore peu inclusif : inaccessibilité des transports en commun, hôtels ou lieux touristiques non adaptés, absence de personnel formé, complexité de l'organisation logistique… autant d'obstacles qui occasionnent un véritable parcours du combattant.
Des aides insuffisantes
L'État et certaines structures proposent pourtant des dispositifs ou des prestations pour aider au départ : Allocation adulte handicapé (AAH), bons vacances de la Caisse d'allocations familiales (Caf), aides ponctuelles de la Caisse primaire d'Assurance maladie (CPAM), séjours organisés par des associations... Mais, dans les faits, ces soutiens s'avèrent souvent insuffisants, notamment pour couvrir les surcoûts liés au handicap : transport adapté, location de matériel, accompagnement humain… Sans compter que les structures manquent cruellement de personnel. À Redon, en Ille-et-Vilaine, une association indique que 25 animateurs font défaut pour assurer les départs prévus cet été.
Handicap + précarité : une double exclusion
L'impossibilité de partir en vacances s'inscrit dans un tableau plus large de précarité durable. D'après les chiffres de l'Insee datant de 2022, près de 20 % des personnes handicapées vivent sous le seuil de pauvreté, contre 12,8 % pour les « valides ». Selon une autre étude de la DREES publiée en 2023, 43 % d'entre elles n'ont pas les moyens de partir en vacances, contre 22 % de l'ensemble de la population. Ce manque de répit participe à l'isolement, l'épuisement des aidants, la rupture du lien social. « Cette situation, connue de longue date, n'est pas acceptable », affirme l'Observatoire des inégalités dans son rapport, appelant à des mesures concrètes et rapides pour y remédier.
Des pistes pour une véritable inclusion touristique
Face à cette exclusion silencieuse, plusieurs pistes sont régulièrement avancées par les acteurs du secteur, les chercheurs ou encore des institutions comme l'Observatoire des inégalités ou la DREES. Parmi les principales recommandations : revaloriser l'AAH et créer des aides spécifiques au départ en vacances pour les personnes en situation de handicap ; subventionner les surcoûts liés au handicap, notamment l'accompagnement humain et les transports adaptés ou encore former systématiquement les professionnels du tourisme à l'accueil de tous les types de handicaps. Les spécialistes recommandent également de développer l'offre labellisée « Tourisme & handicap », encore très inégalement répartie sur le territoire et de rendre obligatoire un quota de logements accessibles dans les établissements touristiques, avec des contrôles rigoureux.
Ces recommandations proviennent notamment du rapport « Le handicap en chiffres » (DREES, 2024), mais aussi de diverses associations engagées dans le tourisme inclusif, comme APF évasion France handicap, Tourisme & handicap ou encore l'Union nationale des associations de tourisme (Unat). Et si, cet été, on décidait enfin que le droit aux vacances est un droit universel ?
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