Par Arnaud Bouvier, Jérôme Rivet
"Ce que je voudrais lancer aujourd'hui, c'est véritablement un appel à la mobilisation nationale" car "le handicap ne touche pas simplement 12 millions de Français" mais "chacun d'entre nous peut y être confronté à un moment de sa vie", a déclaré le président en concluant la Conférence nationale sur le handicap (CNH), le 11 février 2020. Organisé à mi-mandat, cet événement a réuni 500 personnes à l'Elysée pour tirer un "premier bilan" des mesures décidées depuis le début du quinquennat et en prendre d'autres "que nous avons encore le temps de mettre en œuvre" d'ici à 2022, selon l'Elysée.
Plus d'élève sans solution
Emmanuel Macron, accompagné de son épouse Brigitte, a ainsi décliné une série de décisions, sans toutefois détailler leur financement. Il a notamment fixé l'objectif que "plus aucun enfant" handicapé ne soit laissé "sans solution de scolarisation à la rentrée de septembre". Leur nombre a déjà été divisé par près de deux entre 2018 et 2019, passant de 15 000 à 8 000, mais "le vrai sujet est qu'on manque d'accompagnants" pour aider ces enfants à l'école. Pour y remédier 11 500 postes d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) supplémentaires seront créés d'ici à 2022, s'ajoutant aux 66 000 prévus à la fin de l'année.
Maintien de l'AAH
Le président a également annoncé la mise en place d'un numéro d'appel unique (le 360) pour répondre à l'angoisse des familles et la création de 1 000 places supplémentaires dans les établissements spécialisés. M. Macron a par ailleurs répondu aux inquiétudes des associations sur l'avenir de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), versée à 1,2 million de personnes. Cette prestation ne sera "jamais transformée, diluée ou supprimée" au bénéfice du futur revenu universel d'activité (RUA) qui doit fusionner plusieurs allocations, a-t-il affirmé. Il a par ailleurs annoncé que la prestation de compensation du handicap (PCH), qui permet de financer des aides, sera étendue dès 2021 de manière à couvrir les aides ménagères, mais aussi l'assistance apportée par un tiers à un parent handicapé pour s'occuper de son jeune enfant. Sur le front de l'emploi, le gouvernement entend mettre l'accent sur le développement de l'apprentissage. Il a en outre souligné que la question du droit à la vie sexuelle de ces personnes ne devait "pas être un tabou dans la société". Ce "discours mobilisateur" doit désormais être "traduit en actions", a commenté dans un communiqué le Collectif Handicaps, qui regroupe 48 associations. Le collectif a salué notamment les annonces sur la scolarité, l'élargissement de la PCH ou le maintien de l'AAH, cependant "il reste encore à définir de manière concrète les moyens qui seront mis sur la table", a-t-il noté.
Des efforts en matières d'accessibilité
Avant l'intervention d'Emmanuel Macron, personnes handicapées, aidants familiaux et militants associatifs ont interpellé la douzaine de ministres présents sur la lenteur des démarches et le manque de solutions d'accompagnement. "On a envie de prendre notre place dans la société mais on a besoin de vous pour faire bouger les choses, c'est vous qui avez les manettes", a résumé une femme atteinte d'un handicap visuel, jugeant "anormal" que certaines démarches prennent "quatre mois dans la Marne et parfois deux ans en Seine-Saint-Denis". "Notre pays compte des milliers de personnes sans solutions d'accompagnement adapté", a souligné de son côté Luc Gateau, président de l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei). Son homologue de l'APF France handicap, Alain Rochon, a réclamé des "sanctions" contre les établissements recevant du public qui rechignent à faire des travaux pour se rendre accessibles aux personnes handicapées. En réponse, les ministres ont reconnu que les efforts devaient encore être accentués. Le secrétaire d'Etat au numérique, Cédric O, a ainsi noté que les démarches administratives en ligne étaient encore insuffisamment accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes, et a fixé un objectif de 80 % d'accessibilité d'ici à deux ans. La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye s'est engagée à ce que tous les discours du président et du Premier ministre soient sous-titrés et traduits en langue des signes d'ici à quelques mois.
Le handicap, l'affaire de tous
Symboliquement, cette conférence a été programmée exactement 15 ans après l'adoption d'une loi majeure pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi, adoptée sous la présidence de Jacques Chirac, a permis une "démarche vers l'autonomie" et revêtait une "dimension symbolique", a souligné devant les invités Claude Chirac, la fille de l'ancien président, qui s'est dite "très émue". Quinze ans plus tard, "les préjugés demeurent. Avant d'être l'affaire de l'Etat, c'est l'affaire de tous", a ajouté Mme Chirac. Sous le slogan "Un droit ce n'est pas une faveur", des familles avaient prévu de manifester dans une quarantaine de villes partout en France, y compris en outre-mer, pour dénoncer les "défaillances du système". Les protestataires réclament notamment que les pouvoirs publics fassent "respecter les législations déjà en vigueur". "Il y a plein de choses intéressantes dans le discours du président, mais quand on saisit les pouvoirs publics de dysfonctionnements sur le terrain, on est ignoré", a résumé Charlotte Langlois, l'une des organisatrices de ces manifestations.