Malade chronique en emploi : surexposé aux discriminations!

Les malades chroniques ou avec un handicap aggravé sont-ils plus exposés à une discrimination dans l'emploi ? La réponse du 16e baromètre de la Défenseure des droits 2023 est sans appel. C'est oui. Elle invite à changer la loi pour mieux protéger.

• Par

« A la fin de mon arrêt maladie, on m'a demandé par mail d'enchaîner avec mes congés sans reprendre (ce qui est illégal et une cause de licenciement). On m'a sortie des réunions de comité de direction, on m'a expressément demandé de laisser mon bureau à celle qui m'avait remplacée, je n'étais plus sur l'organigramme, on a saboté mon travail », témoigne une salariée. Une personne sur six atteintes de maladie chronique déclare avoir été victime de discrimination ou de harcèlement discriminatoire dans l'emploi en raison de son état de santé.

La Défenseure des droits alerte !

C'est ce qui ressort du baromètre annuel du Défenseur des droits et de l'Organisation internationale du travail (OIT) rendu public le 14 décembre 2023. Le credo de cette 16e édition ? « Concilier maladies chroniques et travail: un enjeu d'égalité. » En 45 pages, il fait donc un focus sur le critère de l'état de santé au travail, et plus précisément sur les discriminations concernant les personnes atteintes de maladie chronique. Une deuxième salve après le premier rapport sur les discriminations en France publié par l'Observatoire des inégalités qui révèle, quelques jours plus tôt, une réalité parfois alarmante sur le quotidien des personnes handicapées (Lire : Discriminations en France : le handicap en (bonne) place!).

25 % des personnes en 2025

L'enjeu de la santé au travail est majeur. Si les maladies chroniques concernent 15 % de la population en 2019, elles devraient atteindre 25 % dès 2025 (estimation Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact). Elles sont définies par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une affection de longue durée, souvent associée à une invalidité ou à la menace de complications graves, qui évolue lentement et nécessite une prise en charge durant plusieurs années. Le champ est vaste : asthme, cancer, diabète, VIH, dépression, myopathie, sclérose en plaques, cécité…

Vers un licenciement

Les personnes avec une maladie chronique visible sont trois fois plus exposées à ce risque. « Si ces discriminations liées à l'état de santé surviennent dans différents contextes professionnels, elles s'expriment principalement dans le travail au quotidien et lors du retour d'un congé de maladie », précise le rapport. Ces situations aboutissent aussi parfois à des licenciements : un tiers des personnes atteintes de cancer perd son emploi dans les deux ans suivant la déclaration de leur maladie (enquête de la Ligue contre le cancer de 2014). Mais cela peut commencer dès l'embauche ; ainsi 30 % des personnes malades ou reconnues handicapées rapportent avoir été confrontées, lors d'entretiens de recrutement, à des propos stigmatisants (contre 13 % pour le reste de la population active).

La maladie chronique se traduit souvent par une mise en retrait ou une exclusion du marché du travail et par des parcours marqués par des aménagements, des réorientations et/ou des ruptures professionnelles. Avec un impact majeur sur la vie personnelle puisque 73 % des malades chroniques ayant vécu une discrimination reconnaissent avoir traversé une période où leur santé mentale s'est dégradée.

Des obligations pas toujours respectées

La Défenseure des droits (DDD), Claire Hédon, rappelle qu'ils peuvent se prévaloir de la protection juridique offerte aux personnes en situation de handicap contre toutes formes de discriminations. « Si l'employeur est le garant de la démarche de prévention et de santé au travail et de sa mise en œuvre, il est de son devoir de mettre en œuvre des aménagements et adaptations concrètes pour leur permettre d'être à égalité avec les autres à tous les moments de leur parcours professionnel », précise-t-elle. Il doit, notamment, respecter les préconisations du médecin du travail. Pourtant, selon ce baromètre, un tiers des employeurs ne les ont pas suivies (ou que partiellement), avec principalement des refus d'aménagement de poste, « manquant ainsi à leur obligation de sécurité ».

Le rapport observe également une méconnaissance « forte » par les salariés des mesures de prévention de la santé et de réduction des risques au travail, avec un « accès encore très insuffisant et parfois redouté aux services de prévention et de santé au travail ». Près de la moitié (47 %) des personnes actives malades ont ainsi déclaré hésiter à livrer des informations à leur médecin du travail.

Changer la loi !

Le signal d'alerte est donc tiré pour consolider les droits des salariés ! Objectif ? Renforcer les moyens dédiés aux acteurs clés de la prévention de la santé au travail et de la lutte contre les discriminations. Cela passe, notamment, par un renforcement de la loi. Pour ce faire, la DDD préconise notamment de modifier la définition de la discrimination fondée sur le handicap (loi du 27 mai 2008), afin d'y inscrire l'obligation d'aménagement raisonnable dans tous les domaines et secteurs concernés, conformément aux recommandations du Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies.

Jeune femme avec des medicaments dans une main et faisant barrage de l'autre
Partager sur :
  • LinkedIn
  • Twitter
  • Facebook
"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
Commentaires2 Réagissez à cet article

Thèmes :

Handicap.fr vous suggère aussi...
2 commentaires

Rappel :

  • Merci de bien vouloir éviter les messages diffamatoires, insultants, tendancieux...
  • Pour les questions personnelles générales, prenez contact avec nos assistants
  • Avant d'être affiché, votre message devra être validé via un mail que vous recevrez.