Enfin une piste prometteuse pour lutter contre la maladie de Steinert ? Appelée également dystrophie myotonique de type 1 (DM1), cette pathologie rare d'origine génétique touche principalement les muscles mais aussi de nombreux organes. Faiblesse et raideur musculaire, fatigue, palpitations, malaise, problème de concentration et d'apprentissage... Ses symptômes ont un impact considérable sur la vie des 5 000 à 8 000 Français concernés. Or, en dépit des avancées thérapeutiques et de solutions préventives, aucun traitement curatif n'est, pour l'heure, proposé... Mais c'est peut-être en passe de changer.
Des chercheurs de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) ont développé une thérapie génique qui agit directement sur l'origine de la maladie. Les premiers résultats publiés le 10 février 2022 dans la revue scientifique Nature biomedical engineering montrent, chez la souris, une correction des altérations moléculaires et physiologiques du muscle squelettique, qui, attaché au squelette par les tendons, permet d'effectuer des mouvements précis grâce à sa capacité à se contracter. Une étude « musclée » (en lien ci-dessous) !
Maladie de Steinert, quèsaco ?
Cette maladie héréditaire invalidante est due à une anomalie génétique située sur le chromosome 19. Il s'agit, plus précisément, de la répétition en quantité élevée d'une petite séquence d'ADN (triplet de nucléotides CTG) au niveau du gène DMPK (pour dystrophia myotonica protein kinase). Chez un individu sain, cette séquence est présente mais répétée 5 à 37 fois, contre plusieurs milliers chez les patients atteints de DM1. Cette altération perturbe l'activité de protéines qui contrôlent le fonctionnement musculaire, cardiaque, nerveux, hormonal… La maladie apparaît, touchant différents organes de façon plus ou moins importante.
Des gènes « séquestrés » par les ARN mutants
Pour conduire à la production d'une protéine, un gène (localisé dans le noyau de la cellule) est d'abord transcrit en une molécule d'ARN. Pour devenir un ARN messager (ARNm), il va subir une maturation (évolution de l'organisme vers son état adulte), passant notamment par un épissage, ce qui signifie, schématiquement, que la molécule est coupée en morceaux dont certains sont éliminés et d'autres joints. Après l'épissage, l'ARNm mature sera finalement traduit en protéine, à l'extérieur du noyau cellulaire. Il assurera ensuite son rôle de « messager », à savoir copier et diffuser l'information génétique. Dans la maladie de Steinert, les protéines MBNL1 qui se lient normalement à certains ARN pour réguler leur épissage sont « séquestrées » par les ARN porteurs de la mutation. Il leur est alors impossible d'exercer leur fonction, ce qui entraîne la production de protéines non, ou moins, fonctionnelles. C'est donc cette altération de l'épissage qui perturbe le développement et la fonction musculaire.
Des protéines qui leurrent les ARN mutants
L'équipe dirigée par Denis Furling, directeur de recherche CNRS, a planché sur une stratégie thérapeutique visant à restaurer l'activité initiale de MBNL1 dans les cellules musculaires squelettiques exprimant la mutation responsable de la maladie de Steinert. « Pour cela, les scientifiques ont conçu par ingénierie des protéines modifiées présentant, comme la MBNL1, des caractéristiques de liaison aux ARN porteurs de la mutation et agissant par conséquent comme un leurre pour ces ARN », explique l'Inserm. Résultat : ces « leurres » étaient capturés par les ARN mutés à la place des protéines MBNL1 qui, une fois libérées, pouvaient assurer correctement leur fonction. Cerise sur le gâteau, l'ARN muté lié aux protéines leurres s'avérait moins stable et pouvait être plus facilement éliminé par la cellule. Après cette expérience in vitro sur des cellules musculaires de patients atteints de DM1, les chercheurs ont transposé cette technique chez un modèle animal afin de valider cette approche in vivo. Défi relevé ! « Une seule injection a permis de corriger efficacement, sur une longue durée et avec peu d'effets secondaires, les atteintes musculaires associées à la maladie », se félicitent-ils.
D'autres études avant un essai clinique ?
« Ces travaux ouvrent la voie au développement de solutions thérapeutiques dans le cadre d'autres maladies dans lesquelles des répétitions pathologiques dans l'ARN entraînent une dysfonction de la régulation de l'épissage », conclut Nicolas Sergeant, directeur de recherche Inserm du centre Lille neuroscience et cognition. Les chercheurs soulignent toutefois que des études additionnelles sont nécessaires avant de pouvoir transposer cette thérapie en étude clinique.
* mais aussi de Sorbonne Université, du CHU Lille et de l'Université de Lille, en partenariat avec l'Institut de myologie, au sein du Centre de recherche en myologie et du centre Lille neuroscience et cognition