Le gouvernement va présenter d'ici quelques mois un "plan d'action" pour mieux identifier et combattre les maltraitances à l'encontre des personnes dépendantes, âgées ou handicapées, un "fléau" que chacun doit avoir à cœur de dénoncer, a annoncé Agnès Buzyn le 24 janvier 2019. Il s'agira de "trouver des réponses claires et fortes face à des réalités insupportables", a déclaré la ministre de la Santé et des Solidarités, à l'occasion de la remise d'un rapport consacré à ces questions.
Des violences sous-estimées
Mots blessants, défauts de soins ou privation d'aller et venir : les maltraitances sont trop souvent sous-estimées, souligne ce rapport rédigé par une commission conjointe à deux instances consultatives, le Haut conseil de la famille et de l'âge (HCFEA) et le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Dans les maisons de retraite, les établissements médicosociaux ou même lors des soins à domicile, cette "violence cachée" recouvre des situations très diverses, dont l'ampleur est mal mesurée, soulignent les auteurs, qui proposent des pistes pour mieux les identifier et les prévenir. "Il est rare qu'il n'existe qu'une seule cause lorsque la relation d'aide se dégrade, se salit (pour se transformer) en abus, vol, brutalité, emprise ou humiliation", a souligné l'un des auteurs du rapport, Denis Piveteau. "Les dérapages ont souvent une longue histoire. C'est toute la souffrance, toutes les tensions d'un cercle familial ou professionnel qui se déversent sur les personnes les plus vulnérables", a-t-il ajouté. Dénonçant la "persistance d'une forme de loi du silence", la secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées, Sophie Cluzel, a évoqué la "très nette sous-déclaration des situations de maltraitance, encore plus marquée concernant les personnes en situation de handicap".
Protéger mais pas enfermer
Qu'elle soit délibérée ou au contraire inconsciente, imputable à des individus ou plutôt à des logiques collectives, la maltraitance "échappe encore largement aux regards", et peut même être mésestimée par ceux-là mêmes "qui en sont victimes", soulignent les auteurs. Ils citent en exemple les cas d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer qui se fait cracher au visage par une aide-soignante ou d'un petit garçon autiste que l'on oblige régulièrement à participer à des sessions de natation, malgré ses cris de révolte systématiques. Le rapport évoque également la "maltraitance institutionnelle" parfois à l'oeuvre dans les maisons de retraite en manque d'effectifs soignants : à cause de "défauts d'organisation" ou d"excès de productivité" imposés aux salariés, les professionnels peuvent y multiplier gestes "brusques, mécaniques ou sans bienveillance". Pour rester "bientraitants", les professionnels doivent veiller à ce que la nécessaire protection des personnes vulnérables contre les risques de la vie quotidienne ne devienne pas une entrave excessive à leur liberté.
Délimiter le secret professionnel
Pour remédier à ces situations, le rapport propose notamment de mettre l'accent sur la formation initiale et continue des professionnels. Il suggère également plusieurs pistes pour faciliter, en cas de maltraitance constatée, la remontée de l'information vers les personnes compétentes. Des instances territoriales spécifiques devraient être créées pour coordonner les "informations préoccupantes", et les professions médicales qui y siégeraient devraient être délivrées de leur secret professionnel. Le portail internet qui permet actuellement de signaler des "événements indésirables graves liés aux soins" devrait, par ailleurs, être étendu aux actes de maltraitance.
Casier judiciaire pour éviter les récidives
Autre proposition : l'autorité administrative devrait acquérir le pouvoir de suspendre temporairement un professionnel qui aurait commis une maltraitance, et de le contraindre à suivre une formation. Toute condamnation au pénal pour une atteinte aux personnes devrait obligatoirement figurer au casier judiciaire du professionnel concerné, et les employeurs seraient tenus de consulter ce casier avant toute embauche, préconise le rapport. Enfin, des indicateurs sur la "qualité de l'accompagnement" dans les établissements devraient être rendus publics sur Internet, et une "semaine contre la maltraitance" devrait être instituée pour "ouvrir le regard" sur le sujet.
Une mise en oeuvre rapide
Le gouvernement s'inspirera "très largement" de ce travail "très éclairant", a promis Mme Buzyn."Tout le monde doit se sentir concerné et impliqué", a-t-elle ajouté, précisant que ce plan d'action serait mis en oeuvre "dès cette année". Les mesures seront présentées avant le futur projet de loi sur le vieillissement et la dépendance, de manière à ce que ce dernier puisse inclure les éventuelles mesures législatives nécessaires à la lutte contre la maltraitance, a-t-elle encore indiqué.