13 mai 2014. Il est 12h11. Une clameur se fait entendre sur la place de la République à Paris. 200 000 ! Le cap de 200 000 signatures vient d'être franchi par la pétition mise en ligne par l'APF (Association de paralysés de France) pour réclamer un resserrement des nouveaux délais (allant de 3 à 9 ans), en matière d'accessibilité. Il faut dire que, à l'occasion de cette journée exceptionnelle, les réseaux sociaux se sont mobilisés pour exploser les compteurs… Sur place, Sarah est venue au nom de Change.org, la plateforme qui a mis cette pétition en ligne, pour glaner encore quelques paraphes.
Et la nounou avec sa poussette ?
Quant aux militants, ils se sont déplacés. C'est la foule des grands jours. On y marche, on y roule. Sur le pavé fraîchement rénové de cette place emblématique de la « chose publique », ils sont des centaines à être venus dire leur mécontentement, comme dans plusieurs villes de province au même moment. Handicapés pour la plupart car le badaud sorti de la bouche de métro toute proche ne semble guère préoccupé par les revendications de cette minorité à roulettes. Vous en êtes sûr ? Pas même cette nounou qui gravit péniblement les marches avec sa poussette ?
100 délégués et Philippe Croizon
Pendant quatre heures, ils sont 100 tout rond à venir déclamer leur phrase choc. Ils ont donné son nom à ce rassemblement : « L'appel des 100 ». Les 100 délégués de l'APF venus des régions. En réalité, ils sont 101, comme les Dalmatiens ! Car Philippe Croizon, parrain de la pétition, s'est invité à la fête. Un aller-retour express depuis son lointain Poitou pour apporter son soutien et dire son ras le bol « à la française ». Et de vanter l'accessibilité dans un petit village au fin fond de l'Alaska alors qu'il n'y a pas un seul résident handicapé.
Une loi vieille de 40 ans
A Paris, c'est différent. Ils sont pléthore et font la queue pour accéder à la tribune, par une rampe inclinée, évidemment. La plupart en fauteuil roulant. Alors, forcément, l'accessibilité, ils en connaissent un « rayon ». Ils ont tribune libre, pendant une minute maxi. Certains débordent, ils ont tant de choses à dire. Et puis cela fait 40 ans (la première loi sur l'accessibilité des lieux publics date non pas de 2005 comme on le pense trop souvent mais de 1975) qu'ils attendent, alors quelques minutes de plus ou de moins ! Le seul souci, c'est la pluie. Elle menace au loin.
Tirer à boulets noirs
13 mai, c'est encore les Saints de glace. Mais peu importe cette météo capricieuse défiée par une nuée de ponchos rouges. Lorsque chaque parcours est celui d'un combattant, on ne va pas se laisser mettre en déroute par quelques gouttes, fussent-elles glaciales. Une mobilisation en rouge… et noir. Noir comme la couleur des boulets qui ont été apportés pour l'occasion. Ils sont en plastiques, munis d'une chaine qui symbolise l'entrave aux déplacements dont pâtissent les personnes à mobilité réduite et, plus globalement, en situation de handicap. Les participants sont invités à y apposer leur message. Parce que 15 % de citoyens, en France, en ont assez de ne pas être entendus, il est venu le temps de tirer à boulets noirs…
50 milliards dans les paradis fiscaux
Certains disent leur colère. On entend « trahison, hypocrisie, honte… ». Mais pas seulement. D'autres se veulent constructifs et soumettent des propositions pour rendre la cité accessible, en faisant fi de la « crise ». Elle est dans toutes les bouches cette « vilaine », qui empêche de faire les aménagements nécessaires. Une déléguée s'insurge : « Je sais où aller les chercher les 50 milliards qui manquent à la France : dans les paradis fiscaux ! ». Au pied de la statue monumentale qui brandit son bras bien haut, ça sent la révolution, que certains ont choisi de mener en chanson…
Une révolution en chansons
C'est sur l'air de la Carmagnole que l'on propose de refaire la France et pourquoi pas le monde, quitte à devoir dresser quelques barricades. Et peu importe que l'on soit en fauteuil, en déambulateur ou avec canne, elles sont de celles que, l'union faisant la force, on arrive à franchir. Le succès de la pétition est déjà un premier pas. Une bataille gagnée mais pas la guerre. Et cette guerre, ne devrait-t-elle pas compter 65 millions de soldats ? Tous engagés pour une même cité, universelle ! Ca y est la nounou en poussette est venu à bout de son escalier. Pensera-t-elle, elle aussi, à la signer ? Cette nounou, c'est, évidemment, chacun de nous…