Le 1er janvier 2019, le vœu d'Audrey Sauvajon a été exaucé… Son fils, Marin, 22 ans, a été nommé chevalier de la Légion d'honneur pour « services exceptionnels ». Le jeune homme avait été violemment tabassé après avoir pris la défense d'un couple qui s'embrassait près de la gare de Lyon-Part-Dieu, en novembre 2016. Un acte de bravoure qui a ému au-delà des frontières françaises et l'a mené à rencontrer le Pape François en avril 2018. Deux ans après, cette agression n'est pas seulement un mauvais souvenir… Il portera de lourdes séquelles physiques et psychologiques à vie. Malgré les pronostics peu encourageants des médecins, il se bat chaque jour pour tenter de retrouver « sa vie d'avant ».
Le jour où tout a basculé
Le 11 novembre 2016, la vie de Marin bascule. Alors que la France célèbre la fin de la Première Guerre mondiale, c'est un autre combat qui commence… Il est 18h, Marin, alors âgé de 20 ans, se promène avec sa petite-amie aux abords de la gare. En attendant le bus, il voit un jeune homme prendre à partie un couple de quadragénaires au motif qu'ils s'embrassent. Indigné, Marin s'interpose mais l'individu riposte et ils en viennent aux mains. Alors qu'il pense cette rixe achevée, Marin monte dans le bus sans s'apercevoir que le jeune l'a suivi. Il se jette sur lui et lui assène trois coups de béquille sur le crâne. Marin perd connaissance et s'effondre. Opéré d'un hématome au cerveau, il reste quinze jours dans le coma.
Une longue et douloureuse reconstruction
A son réveil, Marin ne se souvient plus de rien. Aucune trace de l'agression ni des mois qui l'ont précédée. « Nous devions constamment lui rappeler qu'il avait été agressé », se souvient Audrey Sauvajon. Son pronostic vital est engagé durant six longues semaines. L'hématome au cerveau a provoqué une lésion cérébrale « dévastatrice ». Les médecins ne sont pas optimistes : mort, état végétatif… La famille du jeune homme refuse d'y croire et garde espoir. D'une combativité exemplaire, Marin déjoue les pronostics et commence, petit à petit, à retrouver des capacités. Sa reconstruction, aussi longue et douloureuse s'annonce-t-elle, est bel et bien amorcée. « C'est impressionnant la force dont il fait preuve, à sa place nous n'aurions même pas pu en faire le quart… Mais nous sommes toujours restés positifs quant à son état de santé et l'avons encouragé à faire un maximum de choses seul », explique Audrey.
Des séquelles visibles et invisibles
Aujourd'hui, en plus de ses difficultés motrices, Marin a des atteintes cognitives ainsi que « les séquelles classiques d'une lésion cérébrale » : fatigue intense, difficultés de gestion et d'organisation… « Le handicap moteur n'est pas celui qui nous inquiète le plus ; les handicaps invisibles sont les plus compliqués à faire comprendre et à gérer. », poursuit sa maman. Pris en charge dans un centre d'accueil de jour en région lyonnaise, il retrouve ses proches, chaque soir. « La reconstruction est loin d'être terminée mais Marin continue de se battre, et nous aussi !, assure-t-elle. Ostéopathe, nutritionniste… Nous sollicitons de nombreux professionnels pour assurer une prise en charge globale et sommes à l'affut des nouvelles technologies qui pourraient améliorer son état de santé. »
Une association qui voit grand
Pour venir en aide à Marin et « bénéficier des meilleures thérapies », Audrey a fondé, il y a deux ans, l'association « La tête haute je soutiens Marin ». Au fil du temps, ses ambitions se sont élargies et elle a notamment créé le CAP (coffret d'aide aux patients) pour les personnes cérébrolésées. Conçu avec l'aide d'une neuroscientifique, ce livret a pour objectif de faire travailler la mémoire, la motricité et la notion de bien-être. Consultable en ligne, sur le site de l'association (en lien ci-dessous), le coffret peut également être envoyé gratuitement aux proches des patients concernés. « Les services de réanimation sont intéressés par notre concept et commencent à nous le demander, un peu partout en France (Paris, Lyon, Grenoble) », indique Audrey.
Son agresseur condamné
Deux jours après l'agression de Marin, un jeune homme de 17 ans, déjà connu des services de police, a été interpellé grâce aux caméras de surveillance. Le 4 mai 2018, la cour d'assises des mineurs de Lyon a rendu son verdict : il a été condamné à sept ans et demi de prison pour « violences avec usage ou menace d'une arme suivie de mutilation ou infirmité permanente ». La cour a décidé de retenir l'excuse de minorité, réduisant de moitié la peine maximale encourue. Une sentence « frustrante » pour la famille de Marin. « Nous avons l'impression de ne pas avoir été entendus. La loi prévoit pourtant la possibilité d'écarter l'excuse de minorité pour des dossiers très graves comme celui-ci. 'Infirmité permanente', ça signifie qu'il lui a volé sa vie, Marin ne sera jamais plus le même ! », déplore Audrey Savajon.
Sans regret
L'histoire de Marin a suscité un vif élan de solidarité. Plus de 85 000 personnes ont signé la pétition en ligne pour qu'il reçoive la légion d'honneur. Personne ne sait encore quand la cérémonie de remise aura lieu mais sa famille a « hâte ». « Nous attendons cette distinction depuis maintenant deux ans. Je pensais qu'on avait été oublié mais j'ai appris la bonne nouvelle dans les medias. Je n'ai pas attendu cette médaille pour être fière de lui mais une telle récompense est exceptionnelle », se réjouit Audrey. Un acte que Marin ne regrette en aucun cas. « Si c'était à refaire, je le referais » a-t-il confié à sa mère. Une révélation difficile à digérer mais qu'elle essaye de comprendre. « Il m'a dit quelque chose de très juste : 'Si je ne le refaisais pas, c'est eux qui gagneraient, et c'est hors de question !'. »
Le 17 avril 2019, Audrey Sauvajon publie son livre La tête haute, aux éditions Flammarion(lien ci-dessous).