Handicap.fr : Le 22 novembre 2018, votre frère, Thierry, 58 ans, a été poignardé pour une place de stationnement réservé aux personnes handicapées. Que s'est-il passé ?
Martial Marchand : Un couple dans une Clio s'était garé sur la place réservée devant le bar-tabac L'avenue que tient mon frère à Marseille, dans le quartier de la Capelette. Il leur a mentionné qu'ils n'avaient pas le droit sans le macaron. Le ton est monté et le conducteur a dit à mon frère qu'il allait revenir. Thierry lui a dit : "Ecoute, je travaille là, tu sais où me trouver".
Trois quarts d'heure plus tard, ils sont revenus à quatre, armés de couteaux. Une rixe s'en est suivie, d'abord avec mon gendre. Voyant cela, mon frère est intervenu et il a fait face à l'un des agresseurs qui tenait une lame de 30 cm. Il a essayé de se défendre en lui mettant un coup de genou dans le ventre mais il a pris deux coups de couteau dans les poumons...
H.fr : Thierry n'a pas pu être sauvé...
MM : Le temps que la police arrive, constate et appelle les pompiers, il s'était écoulé 20 minutes. L'hémorragie interne l'a emporté...
H.fr : Cette voiture gênait celle de votre neveu, le propre fils de Thierry...
MM : Oui, Alexandre est handicapé depuis deux ans. Il a perdu une jambe en dessous du genou alors qu'il était en quad et a heurté un véhicule de La Poste sur un chemin de campagne. Alexandre était présent lors de l'agression, il a assisté à toute la scène sans pouvoir intervenir. Il a tenté de réanimer son père en lui faisant un massage cardiaque...
H.fr : Les agresseurs ont-ils été arrêtés ?
MM : Ils sont identifiés car le premier couple est connu du quartier de la Capelette mais n'ont pas encore été arrêtés, probablement en fuite (ndlr : le couple a, depuis cet interview, été arrêté en Espagne, les deux autres complices sont toujours en fuite).
H.fr : Est-ce que Thierry avait souvent eu l'occasion d'intervenir pour faire respecter les droits sur cette place ?
MM : C'était récurrent. Tout le monde se gare dessus ou devant, des livreurs, toujours pour 5 minutes... Au moment où je vous parle, il y a encore un véhicule en double file. C'est une très grande place alors les gens se garent en pensant qu'ils ne vont pas gêner ; c'est un quartier où il est difficile de stationner.
H.fr : Sans atteindre de tels extrêmes, les altercations sur les places de stationnement sont fréquentes. Philippe avait-il déjà été en proie à ce type de violence ?
MM : Non, jamais. Parfois, il demandait aux personnes de déplacer leur véhicule et elles obtempéraient. Mais, vous savez, cela arrive aussi pour des places "normales".
H.fr : Que faut-il faire pour que ça change ?
MM : Que la loi prévoie de mettre trois ou quatre points en moins pour ce type d'infraction avec des amendes plus fortes (ndlr : contre 135 euros aujourd'hui). Ça pourrait être plus dissuasif. Moi-même, je circule toute la journée dans un fourgon et jamais je ne me gare sur ces places réservées car j'imagine que je pourrais aussi être dans ce cas... Question de respect et de civisme.
H.fr : Les obsèques de votre frère auront lieu samedi. Que vous inspire cette tragédie ?
MM : Je me dis que Thierry est mort pour défendre ses valeurs, pour son fils... Mais ça semble tellement dérisoire : mourir pour une place handicapé. C'est un choc pour tout le monde ; c'était quelqu'un de connu dans tout le quartier, une bonne personne.