Traitements anti-tabac remboursés comme n'importe quel médicament, vaccination antigrippe en pharmacie, dépistage du cancer du col de l'utérus, réduction de la consommation de sel de 20%, réduction de l'exposition des consommateurs aux perturbateurs endocriniens... Le gouvernement, via le Comité interministériel de la santé, a dévoilé, le 26 mars 2018, le volet prévention de sa stratégie santé «Rester en bonne santé tout au long de sa vie», avec l'objectif de préserver plusieurs dizaines de milliers de vies chaque année. «La bonne santé passe par l'accès aux soins mais elle passe aussi par la prévention», a déclaré le Premier ministre, Édouard Philippe, en présentant les 25 mesures (en lien ci-dessous). Ces « deux mondes ne s'opposent pas », a renchéri la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Selon elle, il faut « assumer le choix de réorienter notre système de santé au bénéfice de la prévention, sans rien abdiquer de l'excellence de notre système de soins ». Au total, ce plan « Priorité prévention » représente 400 millions d'euros pour 5 ans. Quelques avancées donc mais pas de mesure forte ou emblématique susceptible de marquer les esprits…
Reflexe prévention en cas de handicap
Dans ce patchwork de mesures, un volet -la mesure 22- est dédié à l'accès aux soins des personnes handicapées. « La prévention doit devenir un réflexe pour chaque personne handicapée, comme pour tout un chacun, a déclaré Sophie Cluzel, secrétaire d'État en charge du handicap. Il y a urgence car la question du handicap fait souvent, paradoxalement, passer la bonne santé des personnes au second plan. » La ministre se dit « particulièrement attachée à ce que soit mis en place pour les personnes en situation de handicap accompagnées par des établissements et services médico-sociaux un bilan de santé périodique incluant les dépistages recommandés dans la lutte contre le cancer du sein, de l'utérus, colorectal… C'est la clé pour prévenir les surhandicaps et limiter le recours à des soins souvent plus complexes. »
Les mesures « handicap »
Au programme : bilan annuel de santé afin de repérer les besoins de soins courants dont ceux en santé bucco-dentaire, prise en compte de la complexité de la prise en charge médicale d'une personne handicapée dans les tarifs des professionnels et établissements de santé, information sur l'accessibilité des cabinets médicaux et augmentation du nombre de lieux de soins adaptés à leur prise en charge, notamment via des consultations dédiées, et développement d'une téléconsultation de repérage et dépistage auprès de personnes en situation de handicap ou dépendantes en établissements. La Fnath (fédération des accidentés du travail) se félicite de cette « volonté de mieux prendre en compte leurs besoins » mais ajoute que « ces mesures ne pourront être opérantes qu'à condition de former les professionnels de santé à la prise en charge des personnes handicapées, quelle que soit la catégorie de handicap ». L'information des patients sur l'accessibilité du cabinet du professionnel de santé via le compte ameli.fr devrait par ailleurs constituer, selon la Fnath, « une avancée certaine ». Elle rappelle que les cabinets de médecin peuvent bénéficier trop facilement de dérogations pour ne pas se rendre accessible. Selon une enquête qu'elle a récemment menée, 42% des personnes handicapées interrogées déclaraient avoir des difficultés pour accéder à des soins en raison de l'inaccessibilité des lieux de soins ou des transports et de l'inadéquation de la prise en compte de leurs besoins.
D'autres mesures
Ce plan entend également prévenir les risques auditifs chez les jeunes, en réduisant les pratiques d'écoute à risque, en les sensibilisant aux traumatismes sonores aigus et en dépistant précocement les atteintes auditives. Ou encore former 80% de la population aux gestes de premiers secours. Il introduit également une formation aux premiers secours en santé mentale. Il s'agit d'apprendre à savoir réagir face à une détresse psychique : entrer en contact, soutenir et orienter. Déjà mis en œuvre dans 20 pays, les premiers secours en santé mentale sont inspirés du programme « mental health first aid ». Un projet pilote de formation sera conduit auprès d'étudiants, dans une logique d'aide par les pairs.
Pas de prévention en milieu professionnel
La Fnath regrette néanmoins « l'absence de mesures concernant la prévention en milieu professionnel ». « Alors qu'une partie du plan est dédiée à la prévention des 25-65 ans, il est incompréhensible que ne soit évoquée à aucun moment la prévention en milieu de travail, explique la fédération dans un communiqué. Il s'agit là d'un oubli majeur que ne peut compenser la mission actuellement confiée à la députée Charlotte Lecocq. » Les conditions de travail seraient pourtant des déterminants essentiels de santé. Faut-il rappeler qu'environ 10% des cancers seraient d'origine professionnelle ? Faut-il également souligner que l'écart d'espérance de vie entre un cadre et un ouvrier reste très élevé, et que les conditions de travail en constituent une des explications ? Et d'ajouter que « le report de l'âge de départ en retraite et la pénibilité au travail dégradent l'état de santé des seniors et des personnes en retraite ».
Un plan qui cache la misère ?
Ce patchwork de mesures nécessite des moyens pour être mis en œuvre et concrétisés. Or, la Fnath ne peut que regretter que les moyens dédiés notamment aux agences de santé soient en diminution constante. De leur côté, ce week-end, la CGT et la CFDT ont anticipé la publication de ce plan en réclamant au gouvernement « d'arrêter la saignée » de l'agence Santé publique France et de « la doter de moyens cohérents avec les discours affichés ». C'est « un plan qui cache la misère », ont critiqué les deux syndicats.