Par Diane Falconer
"La dernière fois, ça s'est très mal passé à cause de ça", explique le Français Hélios Latchoumanaya, en amont des Championnats du monde de para judo qui débutent le 8 novembre 2022 en Azerbaïdjan. C'était en 2018 lors des précédents Mondiaux : "Je termine 7e, mais je passe totalement à côté de la compétition. J'aurais pu faire beaucoup mieux mais je me suis fait manger par le stress." Depuis, le judoka de 22 ans assure avoir gagné en expérience, à la faveur de sa médaille de bronze à Tokyo ainsi que son premier titre européen décroché début septembre dans sa catégorie des -90 kg. "Maintenant on est préparés, on a tourné pas mal et on a fait les Jeux paralympiques. C'est censé être plus fort qu'un championnat du monde, il y a plus de pression donc là je pense que ça va le faire", ajoute celui qui a commencé le judo à l'âge de 7 ans pour canaliser son énergie.
Une rétinite pigmentaire
"Ce qui m'a plu, c'est que je commençais à gagner des compétitions. Pouvoir combattre sans se taper dessus, c'est cool aussi et le fait d'être en pyjama, c'est sympathique", sourit-il. "Mais surtout, ce que j'aime bien dans le judo, c'est le code moral, les valeurs que tu peux appliquer sur les tapis et en dehors." Lorsqu'il démarre le judo, on lui a déjà diagnostiqué depuis quatre ans une rétinite pigmentaire. "En gros, quand c'est lumineux, j'y vois, et dans les endroits sombres, j'y vois pas grand-chose", explique-t-il. "J'ai perdu un peu de vision il y a quatre ans mais on s'habitue. Là, j'ai passé un cap. La nuit avant je faisais un peu le foufou, j'y voyais rien et je sortais sans canne. Donc maintenant, je pense que je vais prendre une canne la nuit quand même pour essayer de rester en vie", raconte-t-il.
Changement de classification
Dans sa discipline, qui s'adresse aux personnes avec un handicap visuel, les règles sont les mêmes que dans le judo valide, sauf en ce qui concerne le kumikata, c'est-à-dire le travail de saisie du kimono. En para judo, le combat démarre donc avec le kumikata des deux combattants déjà installé : une main à la manche, et l'autre au revers de l'adversaire. Depuis cette année, les judokas sont séparés en deux classifications, les non-voyants d'un côté (J1) et les malvoyants de l'autre (J2), une évolution bienvenue pour l'équité sportive, estime le pensionnaire de l'Insep. "Pour les aveugles, c'est une très bonne chose parce que ça leur permet de s'exprimer mieux et pour nous ça ne change pas grand-chose, du coup tout le monde est gagnant dans l'histoire, je pense."
Grand favori
A Bakou en Azerbaïdjan, lors des Championnats du monde qui se déroulent du 8 au 10 novembre, le principal changement pour lui sera qu'il y débarquera en tant que numéro 1 mondial de sa catégorie. "Avant les Jeux, j'avais un statut d'outsider et là je passe à un statut de favori. Il faut arriver à faire la bascule mentalement", explique-t-il. "J'ai toujours l'appréhension du premier tour parce que dans le judo, et c'est ça qui fait la beauté du sport, même si tu es favori, tu peux avoir fait 10 000 km et trébucher au bout de 30 secondes de combat. Et voilà, tu es là et tu rentres chez toi la queue entre les jambes en mode 'Bon ben c'était sympa le voyage !'" A moins de deux ans des Jeux paralympiques à domicile, il sait que cette pression sera décuplée à Paris. "J'ai fait un travail de mon côté et je compte voir une préparatrice mentale pour essayer de gérer tout ça et mettre le maximum de chances de mon côté pour arriver au top à Paris, en pleine forme physiquement et mentalement."
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