Par Michelle Gumede
Revers slicé électrisant, manœuvre éclair du fauteuil roulant et Kgothatso Montjane, la joueuse de tennis handisport la mieux classée d'Afrique du Sud, s'arrête net, le regard conquérant fixé sur le court. La joueuse de 34 ans, pommettes saillantes et visage décidé, s'est hissée au sommet du classement mondial et a déjà participé à trois éditions des Jeux paralympiques, en attendant le rendez-vous de Tokyo cet été.
1ère sud-africaine noire à Wimbledon
Attrapant la balle suivante, logée dans les jantes métalliques de son fauteuil spécialement conçu, la gauchère sert avec tant d'agilité et de précision qu'il est difficile de croire que cette pro a tenu sa première raquette un peu par hasard. Et franchement sur le tard, à 19 ans. "Je n'ai pas été soigneusement préparée à ça", reconnaît avec simplicité la sportive lors d'un entraînement à Pretoria. "Je dois rattraper mon retard, j'y consacre beaucoup d'heures. Pour devenir la meilleure, il faut travailler super dur". "KG", comme elle est surnommée, est entrée dans l'histoire en 2018 en devenant la toute première Sud-Africaine noire à participer à Wimbledon. Son prochain objectif : les Jeux paralympiques de Tokyo en août 2021. "Peu importe la couleur de la médaille. Si je peux me dépasser pour monter sur le podium, ce sera suffisant".
Stigmatisations et inadaptations
S'extirpant de sa chaise en titane et en fibre de carbone, l'as du tennis, qui mesure 1,54 m, porte une prothèse à la jambe gauche. Certains des doigts de sa main droite ne sont pas complètement formés. Née avec un défaut congénital dans la région rurale du Limpopo (nord-est), sa famille n'a jamais été gênée par son handicap et s'attendait à ce qu'elle aide à la maison comme toutes les filles du village. Mais dehors, elle était stigmatisée. "Malheureusement, quand on est enfant, on ne comprend pas pourquoi les gens nous fixent, nous regardent différemment", dit-elle. Ce n'est qu'à douze ans, lorsque sa famille parvient à l'inscrire dans une école adaptée, que son handicap commence à être pris en compte. Malgré le manque d'installations sportives, l'adolescente s'enthousiasme pour le basket, l'athlétisme et le tennis de table. Abasourdie lorsqu'elle est choisie par ses professeurs au hasard pour participer à un stage de tennis, elle joue contre d'autres enfants d'écoles spécialisées. "Nous n'avions même pas de court", dit-elle les yeux écarquillés. "Ils m'ont donné une raquette et j'ai dû me débrouiller", ajoute-t-elle en riant.
Para-tennis : seul handisport proposé
La jeune femme continue le tennis, pratiquant dans le hall du lycée. "Nous devions diviser l'espace avec des chaises, il n'y avait pas de filet", se souvient-elle. En rentrant à l'université, elle est persuadée que tout ça est derrière elle. Mais le tennis en fauteuil roulant était alors "le seul" handisport proposé. "Et j'adore faire du sport. Alors j'ai rejoint le groupe, pas vraiment le choix", ajoute-t-elle, précisant rapidement que ses équipiers l'ont aidée à professionnaliser son style de jeu. Il est 19 heures. Elle sert encore, l'effort est invisible. Elle se déplace avec la grâce d'une ballerine, poussant rapidement son adversaire valide à réclamer une pause pour boire. Attachée dans la chaise, au niveau des mollets et de la taille, toute sa force se concentre dans le haut du corps et les bras. "Tout est pareil, sauf que n'avons pas de mouvements latéraux, on doit bouger de façon plus circulaire". Et que les règles permettent à la balle deux rebonds.
© Instagram Kgothatso Montjane