A moins de deux jours du grand départ, Laurent Bardin est partagé : « Je suis à la fois super heureux d'y être et super stressé ». Dimanche 28 juin 2015, parmi les quelque 2 800 sportifs qui s'élanceront sur l'Ironman de Nice, il ne sera pas ce qu'on pourrait appeler un participant comme les autres. A vrai dire, il deviendra la toute première personne paraplégique à prendre part au mythique triathlon méditerranéen. « Forcément, c'est une fierté. Surtout que je suis chez moi, la course passe tout près de mes routes d'entraînement. Je bénéficierai de beaucoup de soutien. » Et il en aura besoin car, contrairement à ses concurrents valides, Laurent va parcourir la totalité du parcours… avec les bras ! 3,8 kilomètres de nage avant 180 kilomètres en handbike puis un marathon (42 kilomètres) en fauteuil roulant. Autant dire qu'il lui faudra avoir les biceps solides. La réalité rejoignant presque la fiction puisque c'est déjà l'Ironman de Nice que courrait Jacques Gamblin avec son fils handicapé dans le film « De toutes nos forces » (lien ci-dessous).
Une course contre la montre
Mais, face à lui, un autre adversaire bien plus impitoyable : le temps. En effet, pour que sa performance soit officialisée par le comité d'organisation, Laurent devra boucler la course en moins de 18 heures. « Ce n'est pas tant le temps total qui m'inquiète mais plutôt le délai maximum à la fin du vélo : 11h15. Le handbike est la discipline où je me sens le plus fort, où je prends le plus de plaisir, mais c'est aussi la partie où je perdrai le plus de temps par rapport aux autres. » Si le quadragénaire n'est pas assez rapide, il pourrait ne pas poursuivre la course car la circulation routière devra être rétablie. Injuste pour un homme qui ne peut utiliser ses jambes ? « J'aurais aimé être accompagné afin que toutes les chances soient de mon côté pour aller jusqu'au bout. L'organisation ne m'a pas soutenu sur ce coup-ci mais il n'y a pas de souci. Respecter les mêmes délais que tout le monde ajoute une dimension supplémentaire au défi, c'est pas plus mal ! »
Sportif un jour, sportif toujours
Un état d'esprit qui résume parfaitement l'impression que Laurent laisse transparaître. Fataliste mais optimiste. « Je demeure persuadé que chacun, handicapé ou pas, a tout pour réussir. Avec de l'investissement et tout en restant positif. Les barrières sont seulement psychologiques. » Malgré l'accident de ski qui lui a fait perdre l'usage de ses jambes en 1994, il n'a jamais lâché sa grande passion, le sport. Un jour tennisman, l'autre basketteur. « Même si dans les premiers temps qui ont suivi l'accident j'étais très prudent car je ne voulais pas risquer la tendinite. » Afin de se préparer pour l'Ironman, Laurent n'a pas lésiné sur les entraînements : six jours par semaine depuis huit mois. « Cette course est un défi à part entière, un mythe. J'ai eu la chance de ne pas me blesser mais parvenir à finir serait un exploit. » Pourtant, quelques secondes à la fin de notre coup de téléphone, il se ravise : « En fait, c'est sûr et certain que je vais réussir ». Ce n'est qu'après avoir raccroché qu'on réalise que l'expression « à bout de bras » prend tout son sens.
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