Paris 2024 : "Les Jeux peuvent beaucoup mais pas tout"

Que retiendrons-nous des Jeux de Paris 2024 en matière de handicap ? Réel tournant ou flop annoncé pour l'inclusion ? Des ambitions aux actions concrètes figées dans le temps, l'après-2024 se pense dès maintenant.

• Par
Illustration article Paris 2024 : "Les Jeux peuvent beaucoup mais pas tout"

Les superlatifs ne manquent pas pour qualifier les JOP de 2024, 100 ans après la dernière compétition olympique à Paris. « Un évènement sans commune mesure », « le plus grand moment de sport et de parasport », « un catalyseur pour changer la place du parasport dans la société »… Sur son site, Paris 2024 promet d'ailleurs des « jeux ambitieux, spectaculaires, ouverts à la participation de chacun mais aussi plus responsables, plus durables, plus solidaires et plus inclusifs ». A moins de cinq cent jours du coup d'envoi des festivités, la barre est donc placée très haut. A tel point que se pose déjà la question de l'après, surtout en matière d'inclusion. Quels héritages pour les Jeux paralympiques 2024 ? C'est la question que posait le think tank Sport et citoyenneté et l'école de commerce Audencia, à l'occasion d'une conférence-débat qu'ils co-organisaient dans les locaux de la Française des Jeux (FDJ), le 21 mars 2023. « L'ambition de Paris 2024, c'est de fournir à la France des jeux qui n'ont jamais eu lieu et qui soient peut-être même une référence pour les jeux futurs », affirme Cyril Moré, quintuple champion paralympique d'escrime. Anciens sportifs, scientifiques, membres du Comité paralympique et sportif français (CPSF), réunis autour de cette table, partagent les mêmes espoirs.

Elargir l'offre sportive

D'abord, sur le volet sportif. Si Cyril Moré constate une évolution de l'offre sportive depuis trente ans, Elie Patrigeon, directeur général du CPSF, reconnaît qu'il reste encore « d'énormes progrès à faire pour l'élargir davantage ». Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 48 % des personnes en situation de handicap ne pratiquent pas une activité physique et sportive contre 34 % dans le milieu ordinaire, selon le CPSF. Or « le sport, quand on est une personne handicapée, ça change la vie », souligne Elie Patrigeon, citant l'exemple de la capacité à se transférer en autonomie, « rallongée de dix ans grâce à une activité physique régulière ». Pour se donner les moyens de leurs ambitions, Paris 2024 et les fédérations françaises Handisport (FFH) et sport adapté (FFSA) ont annoncé en décembre 2022 vouloir former 3 000 clubs sportifs à l'accueil des pratiquants en situation de handicap à l'horizon 2024 (Lire : 3 000 clubs sportifs inclusifs avant Paris 2024? ).

Le CESE dans la boucle

Les 29 mars 2023, c'est d'ailleurs au tour du Conseil économique, social et environnemental (CESE) d'apporter sa pierre à l'édifice, voyant dans ces Jeux un « véritable levier ». Il examinera en séance plénière son projet d'avis sur le développement du parasport en France, présenté par Marie-Amélie Le Fur, para-athlète multimédaillée et présidente du CPSF. Faisant suite à une grande consultation citoyenne, il formule de nombreuses pistes d'améliorations et de solutions pour développer l'accès au sport pour tous, notamment les personnes en situation de handicap ou éloignées de la pratique sportive, avec l'objectif « d'accompagner les acteurs de l'écosystème sportif dans la construction d'un héritage » pas seulement sportif mais également « sanitaire, économique, social, environnemental et sociétal des JOP ».

Accessibilité des infrastructures

Car l'autre espoir permis par les Jeux, c'est aussi l'amélioration de l'accessibilité des infrastructures sportives… et pas que. Le principal frein à la pratique reste bel et bien le manque de structures adaptées. L'un des objectifs fixés par la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) est celle de l'accessibilité universelle des bâtiments, censée s'inscrire dans la durée et qui réponde à des niveaux d'exigence supérieurs aux attentes réglementaires. Par exemple, pour les gymnases, il est prévu de systématiser le fait d'avoir des sièges pour les accompagnants, de prévoir des emplacements adaptés dans les gradins, des places faciles d'accès… Qui dit héritage matériel, dit aussi « petit matériel ». De nombreux projets de recherche font évoluer la qualité des équipements sportifs, accessoires d'entraînement et autres aides techniques, dans le but d'améliorer les performances des para-athlètes mais aussi de tendre vers une standardisation de la pratique. « Jusqu'à maintenant, de nombreux sportifs en situation de handicap bricolaient leur fauteuil pour l'adapter à leur exercice quotidien», explique Nicolas Fortsmann, coordinateur du projet Paraperf rattaché à l'Institut de recherche biomédicale et d'épidémiologie du sport (Irmes).

Quel impact médiatique ?

Enfin, de nombreuses attentes reposent sur la médiatisation de ces Jeux. « Ouvrons plus de fenêtres à la télévision, dans la presse écrite, à la radio, sur cet évènement parasportif », recommande Ludivine Munos, responsable « intégration paralympique » au sein de Paris 2024. « Parlons plus de performance et non d'accidentologie », poursuit-elle. Ce nouveau traitement médiatique participera certainement à un changement de regards sur le parasport et pourra, ainsi, susciter des vocations. Le meilleur exemple reste celui de l'Italie qui diffuse largement ses compétitions de para-natation depuis plusieurs années maintenant. Un choix éditorial qui a des effets positifs. « C'est comme ça qu'une nation va monter en puissance en termes de médailles », analyse Elie Patrigeon.

Le mythe de Londres 2012

Les Jeux de Paris 2024 seront-ils oui ou non un tournant pour « l'inclusion » ? Attention à l'idéalisation évènementielle, préviennent les organisateurs, à commencer par le Comité paralympique et sportif français. « Les jeux peuvent beaucoup mais pas tout », poursuit-il. « S'ils peuvent changer quelque chose, c'est la place du sport dans le pays mais ils ne vont pas mettre des ascenseurs dans toutes les stations de métro, simplifier les démarches MDPH… », met-il en garde. Longtemps et même encore aujourd'hui, la France a nourri une sorte de complexe d'infériorité par rapport aux Jeux de Londres, portés aux nues, alors qu'ils sont loin d'être parfaits. Certes la couverture médiatique de ses Jeux paralympiques a été l'une des plus importantes. Londres 2012 a aussi accéléré les travaux d'accessibilité pour deux stations importantes, King's Cross et Green Park.

L'effet « gueule de bois » post-Jeux ?

« Mais deux semaines de fêtes ne vont pas changer dix ans de politique du gouvernement, qui a réduit les aides sociales et promeut une idéologie néolibérale où la loi du plus fort domine. Une fois que l'événement s'est terminé, nos dirigeants n'en avaient plus besoin comme excuse pour vendre les Jeux olympiques, et ils ont pu oublier le sujet », expliquait Ian Brittain, spécialiste de la question du handicap à l'université de Coventry, dans un récent article du Monde. Alors pour éviter l'effet « gueule de bois » post-évènement, il est nécessaire « de se donner une direction pour l'après-Jeux, avec le temps du recul et de la photographie d'ensemble », conclut Elie Patrigeon, rejoint par Thomas Cailleau, directeur de cabinet adjoint au ministère des Sports, qui souhaite que la « réussite se juge en 2025 et surtout bien au-delà ».

Partager sur :
  • LinkedIn
  • Twitter
  • Facebook
"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
Commentaires0 Réagissez à cet article

Thèmes :

Rappel :

  • Merci de bien vouloir éviter les messages diffamatoires, insultants, tendancieux...
  • Pour les questions personnelles générales, prenez contact avec nos assistants
  • Avant d'être affiché, votre message devra être validé via un mail que vous recevrez.