Par Marine Pennetier
« C'est bon, ça tu peux envoyer en cuisine ! » Au comptoir, Olivier Vellutini tend à Cyril, porteur de trisomie 21, la petite fiche plastifiée sur laquelle les clients ont tamponné leur menu. Dans ce restaurant niché au cœur du Marais, à Paris, la majorité des salariés sont en situation de handicap.
Une « ouverture vers l'extérieur »
Sept des onze membres de l'équipe, répartis entre salle et cuisine, vivent avec une déficience intellectuelle. Cyril, 40 ans, navigue entre les tables, prend les commandes, apporte les assiettes avec assurance. « Ça me plaît, j'aime cette cadence », résume-t-il, heureux de ce poste qui l'a « ouvert vers l'extérieur » depuis six ans. Son collègue Vincent, également porteur de trisomie 21, partage cet enthousiasme. « On fait tout pour que les clients soient heureux, contents et joyeux. »
Anticipation et autonomie
Imaginé par Flore Lelièvre, architecte d'intérieur et sœur d'un jeune homme porteur de trisomie, Le Reflet a d'abord ouvert à Nantes en 2016, avant de s'implanter à Paris en 2019 (Au Reflet (Nantes), tous les serveurs sont trisomiques). Le restaurant parisien, qui affiche souvent complet, compte 40 couverts et une clientèle fidèle mêlant habitués et touristes.
Ici, tout est organisé pour favoriser l'autonomie. Le menu se remplit à l'aide d'un stylo-tampon, un système simple qui évite les difficultés de lecture ou d'écriture. En cuisine, les préparations sont anticipées au maximum pour limiter les temps forts du service. « On privilégie les cuissons à basse température pour éviter l'effet coup de feu », explique Flore Lelièvre. « Tout est pensé pour être anticipé au maximum. »
Des cuisiniers « au top » !
Derrière les fourneaux, Eurydice, 26 ans, épluche des topinambours. « Mon plat préféré à cuisiner, c'est la ratatouille », dit-elle. Travailler ici l'a rendue « plus autonome », confie-t-elle : « Maintenant, je peux faire mes courses toute seule. » La cheffe de cuisine, Sarah, est admirative : « Elle est super performante en cuisine, elle connaît tout le process, elle forme même les nouveaux. Elle est au top. » Venue du milieu ordinaire, Sarah reconnaît avoir découvert un univers qu'elle « ne connaissait pas du tout ». « On s'amuse beaucoup, ils ont de la répartie et une autre façon de voir les choses. En fait, on redescend en tension, on se dit : 'mais ils ont raison !' »
Un lieu « enrichissant » et inclusif
Côté clients, le retour est tout aussi enthousiaste. Élodie, 42 ans, qui travaille dans le quartier, revient pour « l'accueil chaleureux, la nourriture excellente et l'échange ». Pascal, 46 ans, venu pour la première fois, parle d'un « lieu enrichissant ». Pour Olivier Vellutini, gérant du Reflet à Paris, « l'objectif est de rendre visibles les personnes en situation de handicap et de montrer que c'est possible de leur donner une vraie place dans notre société. »
La nécessité d'un soutien à la hauteur
L'établissement fait partie de l'association Les extraordinaires, qui réunit une trentaine de restaurants inclusifs et milite pour l'emploi en milieu ordinaire des personnes en situation de handicap mental ou cognitif. « Ces restaurants changent le regard de la société et améliorent l'autonomie », insiste Flore Lelièvre. « Mais ces modèles restent fragiles car ils ne rentrent dans aucune case. Il est donc crucial qu'ils soient reconnus et soutenus par des aides publiques à la hauteur. »
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