Par Arnaud Bouvier
Depuis le 1er janvier 2021, la "Prestation de compensation du handicap" (PCH) -qui finance des aides, humaines ou matérielles, pour répondre aux besoins essentiels des personnes handicapées- peut désormais s'appliquer aux gestes à effectuer en tant que parent, tels que donner le bain à son bébé ou encore aller chercher son enfant à l'école. Avec cette "PCH parentalité", il s'agit d'éviter que "des personnes renoncent à devenir parents en raison de leur handicap", avait souligné l'an dernier Emmanuel Macron, en annonçant cette réforme.
1h d'aide humaine par jour maximum
Ce nouveau dispositif "a le mérite d'exister, on le demandait depuis tellement longtemps !", souligne Malika Boubekeur, de l'association APF France Handicap. En outre, il est "symboliquement important" car les personnes handicapées se voient ainsi reconnues dans leur rôle de parent, selon elle. Pour autant, la nouvelle prestation est "nettement insuffisante" et inadaptée, dans ses modalités et ses limites, pointe-t-elle, d'une part car elle exclut un trop grand nombre de familles qui en auraient pourtant besoin, d'autre part car elle repose sur une logique de forfait, qui ne tient pas compte de la réalité du handicap des parents, et donc de leurs besoins réels. Les bénéficiaires peuvent ainsi financer au maximum une heure d'aide humaine par jour lorsque l'enfant a moins de trois ans, puis une demi-heure par jour entre trois et sept ans, puis plus rien après le 7e anniversaire de l'enfant.
Un dispositif limité
Selon une enquête récemment menée par APF (article en lien ci-dessous), plus de la moitié des 94 personnes handicapées ayant répondu à un questionnaire disent avoir besoin d'être aidés en tant que parents. Pour autant, les deux tiers ne connaissaient pas la nouvelle prestation, très peu l'ont demandée et 62 % n'y auraient de toute façon pas droit. Car, pour toucher la PCH parentalité, il faut déjà être éligible à la PCH en général, et donc avoir besoin d'aide pour soi-même. Ce qui exclut les personnes plutôt autonomes mais qui auraient besoin d'assistance dans leur rôle de parents. C'est le cas de Caroline : malgré ses difficultés à marcher, dues à une maladie neuromusculaire, cette jeune femme se débrouillait seule, avant de devenir maman. Mais elle "n'a pas la force" de porter son enfant de deux ans, et "ça, c'est pas prévu", ironise-t-elle. "Quand mon fils est né, j'ai dû mentir : j'ai demandé la PCH en expliquant que je ne pouvais pas prendre ma douche toute seule", soupire la trentenaire, qui aujourd'hui a déposé un dossier pour percevoir la "vraie" PCH parentalité... et attend toujours la réponse.
Une «reconnaissance sociétale» mais peu adaptée
Tout comme Audrey*, 28 ans, atteinte d'une paralysie cérébrale depuis la naissance. Elle aussi a bon espoir de toucher la nouvelle prestation, avec effet rétroactif au 1er janvier. Dans son cas, l'aide à la parentalité, d'une heure par jour, viendrait s'ajouter aux 7 heures qui lui sont déjà octroyées dans le cadre de la PCH, mais ce sera encore insuffisant : actuellement, faute de solution satisfaisante, son petit garçon de cinq ans est placé dans un foyer et elle ne le voit que le soir après l'école, en présence d'un éducateur. "Pour sa sécurité, je ne peux pas être seule avec lui, même la nuit", explique la jeune femme, déjà inquiète à l'idée que l'aide s'arrêtera lorsque son fils aura 7 ans. Avec ce dispositif, le gouvernement "a pris le problème à l'envers", en proposant une aide "en fonction de l'âge de l'enfant, et non pas du handicap du parent", analyse Florence Méjécase-Neugebauer, maman en fauteuil roulant de deux enfants de 4 et 13 ans, et présidente de l'association Handiparentalité. Malgré toutes ces réserves, cette réforme constitue une "reconnaissance sociétale" importante, estime cependant cette militante. En déléguant moins de tâches à son conjoint valide ou aux grands parents, le parent handicapé va pouvoir "retrouver un peu plus de place" auprès de son enfant, espère-t-elle.
* Les prénoms des mères interrogées ont été modifiés