Contre-indiqué depuis plusieurs années pour les femmes en âge de procréer, le valproate serait-il en passe d'être déconseillé aux futurs pères ? Ce médicament aux vertus antiépileptiques est dans le viseur des autorités depuis plusieurs années. Dès 2011, l'affaire de la Dépakine (contient du valproate) éclate, mettant en lumière un lien de causalité entre la prise du médicament pendant la grossesse et les malformations et les retards de développement du fœtus (Lire : Acide valproïque durant la grossesse: comprendre le danger! ). On estime jusqu'à 30 000 le nombre d'enfants qui, exposés in utero, présentent aujourd'hui des troubles mentaux en France. En mai 2022, le groupe pharmaceutique français Sanofi, qui commercialise la Dépakine depuis 1967, a même été jugé responsable d'un manque de vigilance et d'informations sur les risques liés à ce traitement.
Jusqu'à 6,3 % de risque après exposition paternelle
Un an plus tard, une nouvelle étude relance le débat et les inquiétudes. Elle a été commandée en 2018 par l'Agence européenne des médicaments (EMA) auprès des laboratoires pharmaceutiques « dans le cadre de la surveillance au niveau européen des médicaments contenant du valproate et ses dérivés ». Ses résultats, publiés le 16 mai 2023, révèlent une « augmentation du risque de troubles neurodéveloppementaux », comme des troubles du spectre autistique, « chez les enfants dont le père a été traité par valproate dans les trois mois avant la conception ». Menée sur la base de plusieurs registres scandinaves en Norvège, Suède et Danemark sur une longue période, cette étude montre que le risque varie entre 5,6 % et 6,3 % chez les enfants nés de père exposé au valproate contre 2,5 % et 3,6 % pour les enfants nés de père traité par lamotrigine ou lévétiracétam, d'autres antiépileptiques. Ces risques sont bien plus élevés, de l'ordre de 30 à 40 %, après une exposition maternelle au valproate.
Pas d'arrêt de traitement sans avis médical !
Selon l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui relaie cette information, « les limites de cette étude ne permettent pas à ce stade de conclure sur ce risque ». Des données complémentaires ont été demandées aux laboratoires par l'EMA et une évaluation européenne est en cours. L'association Epilepsie France a aussitôt réagi, appelant à la plus grande prudence à la lecture de ces résultats. « La modération est recommandée à ce stade afin d'éviter toute initiative des patients préjudiciable à leur santé », insiste Epilepsie France. Elle alerte : « Aucun traitement contre l'épilepsie ne doit être modifié ou arrêté sans l'avis d'un médecin compétent ». Un avis partagé par l'ANSM qui met en garde contre « la réapparition des crises convulsives » en cas d'interruption médicamenteuse.
Pour rappel, 650 000 Français sont épileptiques, soit 1 % de la population traitée contre la deuxième maladie neurologique chronique la plus fréquente après la migraine. Marchant sur des œufs depuis le scandale de la Dépakine, l'ANSM promet l'adoption « de nouvelles mesures de sécurité » si les résultats de cette première étude sont confirmés.