« Par rapport aux enfants ordinaires, les enfants handicapés de 6 à 12 ans ont 4 fois plus de risque d'avoir un mauvais état de santé bucco-dentaire », déplore le docteur Martine Hennequin, en 2008, lors d'une intervention publique à la Haute autorité de santé. Depuis, certaines choses ont évolué mais la situation n'en demeure pas moins alarmante même si la profession prend peu à peu conscience des changements indispensables pour que les personnes handicapées puissent être convenablement suivies. C'est l'une des préoccupations de l'Association des dentistes de France, qui organisait un colloque sur ce thème en décembre 2017 : comment adapter la pratique ?
Un accès aux soins difficile
Près d'un demi-million d'enfants et adultes en situation de handicap n'auraient « pas suffisamment accès, voire pas du tout accès à la santé bucco-dentaire ». Quatre freins majeurs ont été identifiés : l'accessibilité physique (accès au cabinet et au fauteuil), l'accessibilité relationnelle et émotionnelle (comment faire face à la différence ?), l'accessibilité financière (les patients atteints de handicap ont très souvent peu de ressources) et enfin l'accessibilité à l'information (les outils de prévention et d'orientation sont peu accessibles). Les cabinets se retrouvent donc face à des patients qu'ils ont du mal à soigner dans les meilleures conditions et ils sont nombreux à se dire désemparés. Pour les accompagner, l'Association des dentistes de France a mis en place l'atelier Handicap'Able présenté au Congrès de l'ADF depuis 2015. Ce parcours de simulation permet, via des mises en situation aussi réalistes que possible, de se mettre à la place d'un patient handicapé afin de comprendre, de « l'intérieur », ses difficultés et besoins.
Des réseaux dédiés
L'association insiste sur le fait qu'il faut valoriser le partage d'expérience pour pouvoir proposer des soins adaptés. C'est sur ce principe que fonctionnent certains réseaux de soins bucco-dentaires dédiés aux personnes en situation de handicap ; ils offrent un cadre rassurant aux patients, et les médecins qui y travaillent ont préalablement suivi des formations spécifiquement adaptées à leurs besoins. Les praticiens apprécient ainsi de travailler à plusieurs, de disposer de méthodes et d'accompagnement et de pouvoir se tourner vers un ou plusieurs confrères organisés en cabinet « référents ». Au cabinet, des outils pour faciliter la communication peuvent être mis à disposition, à la fois pour faire passer des messages clés de prévention et expliquer les actes de soins qui doivent être réalisés.
Des fiches illustrées
Très concrètement, le chirurgien-dentiste dispose de fiches illustrées expliquant, par le biais de photos, de dessins ou de pictogrammes, ce qu'est une dent, comment est composée la dentition, comment se forme une carie et pourquoi elle fait souffrir, comment sont réalisés les soins de prévention comme le détartrage. Ce temps de communication est nécessaire pour rassurer le patient handicapé ou anxieux tout comme le jeune enfant qui n'est pas encore en âge de comprendre un discours technique.
Objectif prévention
Au-delà des soins à proprement parler, la prévention constitue un enjeu majeur. Une mauvaise santé bucco-dentaire chez une personne handicapée a des répercussions sur sa qualité de vie et sa santé (douleurs, infections, troubles alimentaires, diabète, obésité…). Il est donc indispensable d'instaurer un dialogue entre le praticien et le patient, si celui-ci est en mesure de comprendre. Si ce n'est pas le cas, la sensibilisation à des soins buccaux-dentaires réguliers doit être faite auprès de la famille ou de l'aidant.
© ADF + annadanilkova22/Fotolia (Photo d'illustration générale)