« Ligne rouge franchie, impasse totale, hausse ridicule, colère partagée, crise sociétale… » Toutes ont parlé d'une même voix, exaspérées comme jamais, le 2 octobre 2019. « Toutes », ce sont les associations et fédérations de personnes âgées et handicapées et les professionnels à leur service, regroupées au sein du GR31, qui, après avoir pris connaissance du pré-projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2020, ont réuni aussitôt la presse. Une première qui avait pour objectif de crier leur ras le bol. Ce groupement attendait un PLFSS « à la hauteur des réformes annoncées et de l'urgence sociale ». « Or, force est de constater que le compte n'y est pas, en particulier pour le champ de l'aide à domicile. », déplore-t-il.
Quid de la priorité du domicile ?
« Même si ce PLFSS prévoit 500 millions d'euros en plus, il ne constitue en aucun cas l'amorçage attendu », selon le GR31. Si l'an dernier, les acteurs avaient accepté l'idée d'une LFSS 2019 d'attente dans la phase de concertation « Grand âge et autonomie », ses membres refusent de se satisfaire de la mouture 2020 qui, selon eux, « n'annonce rien de déterminant et ne présente aucune mesure claire pour la future réforme, ni pour les chantiers de la Conférence nationale du handicap ». Par ailleurs, ce PLFSS ne comporte qu'une seule mesure financière pour le domicile (50 millions d'euros), déjà prévue par la feuille de route d'Agnès Buzyn en 2018. Au final, 90 % des mesures annoncées sont à destination des établissements, quand la priorité affichée dans le rapport Libault, d'ailleurs confirmée par le gouvernement lui-même, concerne le domicile. Une orientation inclusive qui vaut pour les personnes âgées comme handicapées !
Dans la même galère ?
Pour ces deux publics, même combat ? « Nous parlons le même langage et il ne faut pas travailler en tuyau d'orgue, assure Luc Gateau, président de l'Unapei, l'approche domiciliaire et l'habitat inclusif concernant toutes les vulnérabilités. Nous sommes dans la même promesse sociétale. » Il a par ailleurs déploré que des financements de certains besoins soient mal ou non couverts, notamment concernant la PCH (prestation de compensation du handicap), les handicaps rares, le handicap psychique. Même constat pour le financement de la transition inclusive avec l'absence de mesures et de moyens pour accompagner la transformation de l'offre.
Une profession à l'abandon
« Ce projet ne comporte ainsi aucun levier significatif, assure le GR31, malgré l'urgence de revalorisation des salaires de l'ensemble des professionnels, en particulier dans le secteur de l'aide à domicile », un domaine jugé « extrêmement maltraité ». Luc Gateau déplore à son tour le « manque d'attractivité de ces métiers qui touchent à la fois le champ du handicap et du grand âge ». En dix ans, les aides à domicile auraient perdu 13 % de leur pouvoir d'achat tandis que 22 grilles de salaires de la profession sont en dessous du SMIC. « 50 millions, ce n'est pas ça qui va les mettre à niveau, cela correspond à une hausse de 40 centimes par heure d'intervention, c'est ridicule. », s'indigne Thierry d'Aboville, secrétaire général de l'Union nationale ADMR. Il en faudrait 10 fois plus de l'avis du GR 31, rien que pour augmenter décemment les revenus des salariés du service à la personne. Selon Hugues Vidor, d'Adessadomicile, le service de soin à domicile, plutôt que d'être perçu comme une « charge » pour la société doit être considéré comme un « investissement », voire un « bon placement » pour l'avenir.
Des mesures urgentes
Loin d'être une première marche, ce PLFSS apparaît donc comme un PLFSS « d'indifférence », alors même que les constats sur les besoins urgents du secteur sont partagés et que les mesures à prendre sont connues. Le gouvernement a affiché à maintes reprises l'ambition de faire de la réforme Grand âge et autonomie l'un des plus gros marqueurs sociaux du quinquennat. A la lecture de ce projet, les associations et fédérations du GR31 s'interrogent et s'unissent pour affirmer la nécessité de mieux accompagner les personnes âgées et en situation de handicap, en établissement comme à domicile, à travers des mesures concrètes et immédiates. Pour l'heure, insistant sur le besoin de ressources pérennes , elles demandent le déblocage immédiat d'une partie de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) pour le secteur de l'autonomie.
Et maintenant ?
Le secteur espère qu'en ayant interpellé le gouvernement à temps, plus tôt qu'en 2018 où il ne s'était mobilisé qu'en décembre, il fera tonner son coup de gueule jusque dans le bureau du Premier ministre. Il compte également sur l'engagement des parlementaires pour « pousser » certains amendements. Il appelle plus profondément à une « révolution des esprits » et promet de se faire entendre le 8 octobre avec un appel à la grève des professionnels des EHPAD et de l'aide à domicile. « Il n'y a qu'en faisant du bruit qu'on obtient des mesures d'urgence », conclut Guillaume Quercy, président d'Una.