« Jusqu'à quand ? Jusqu'à quand serons-nous oubliés, négligés, amalgamés à des demandes qui ne sont pas les nôtres ? » SOS du Collectif urgence polyhandicap* en détresse. Le 27 juillet 2022, les associations qui le composent adressent à la Première ministre, Elisabeth Borne, ainsi qu'aux autres ministres et décideurs concernés, un plaidoyer réclamant « une nouvelle PolYtique, enfin ». Objectif : reconnaître la spécificité des personnes polyhandicapées « pour accompagner l'émergence de leurs potentialités, pour exercer une citoyenneté, une autodétermination, si petites soient-elles ».
Les limites de l'inclusion à tout prix
« Il s'agit là d'un handicap d'extrême dépendance et d'extrême vulnérabilité qui ne saurait être assimilé à aucun autre et qui demande un accompagnement complexe et adapté », déclare le collectif en préambule. Il doit être « continu, formé, pluridisciplinaire et dans un échange transdisciplinaire constant, pour assurer une prise en compte globale et de qualité », afin de « promouvoir et protéger les droits de l'Homme de toutes les personnes handicapées, y compris de celles qui nécessitent un accompagnement plus poussé », comme le souligne la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH) de l'ONU. Dans ces conditions, « les solutions venues du droit commun et adaptées à d'autres types de handicap trouvent rapidement leurs limites, et l'idée d'inclusion peut tout aussi rapidement être remplacée par une réalité d'exclusion du milieu ordinaire », déplore-t-il. L'accueil en établissement, « y compris avec hébergement, accessible, ouvert sur le milieu ordinaire et agréablement situé », apparaît, selon lui, comme une alternative « justifiée », relayé par un accompagnement à domicile « de qualité ».
Etablissements pour enfants surchargés
« Hélas, la réalité est tout autre », constatent les associations. Même si la plupart des cadres préconisés par le volet polyhandicap de la stratégie quinquennale de l'évolution de l'offre médico-sociale ont été coconstruits avec les administrations centrales et les pouvoirs publics, « leur déploiement effectif se fait attendre », s'impatientent ses membres. Malgré le rapport Piveteau, « Zéro sans solution » (2014), le nombre de jeunes adultes maintenus en amendement Creton (dans des établissements pour enfants), ne cesse d'augmenter. Cela favorise une perte de chance pour les plus petits, le désarroi des parents qui se substituent souvent par nécessité à une solidarité nationale « encore défaillante », l'embolisation des établissements pour enfants, privant ainsi les plus jeunes d'un accès aux soins et à un accompagnement précoce pourtant déterminant.
Médico-social : 10 000 places supplémentaires ?
Le collectif assure tout de même garder espoir. Pour changer la donne, il formule sept requêtes, à commencer par le développement « de toute urgence » d'un diagnostic territorial partagé comme prévu dans le volet polyhandicap. La seconde ? Créer 10 000 places, majoritairement dans les établissements pour adultes, en accueil de jour ou avec hébergement modulable, mais aussi en accompagnement à domicile. L'enjeu : permettre un véritable choix du mode et du lieu de vie, comme le préconise la CIDPH, et soutenir les aidants qui, après deux ans de pandémie, ont « plus que jamais besoin de relais ». IL réclame également « une compensation des besoins en accompagnement humain à domicile digne de ce nom », estimant que « les parents doivent avoir la possibilité de continuer à exercer leur métier mais aussi à être soutenus, formés, et informés ». Autres demandes : la mise à niveau des budgets des structures telle que décrite dans le Code de l'action sociale et des familles (CASF), la mise en place de circulaires budgétaires immédiates pour permettre le recrutement d'infirmiers 24h/24 dans les établissements, ainsi qu'une adaptation des formations aux besoins des personnes polyhandicapées, notamment dans les déserts médicaux.
Une scolarisation adaptée et un centre ressources
Urgence polyhandicap réclame également une scolarisation adaptée à tous les profils de polyhandicap, « et pas seulement limitée à la création d'Unités d'enseignement externalisées (UEE), qui ne sauraient convenir à ceux dont la santé est la plus précaire et les capacités les plus altérées ». « Ces enfants ont aussi besoin d'enseignants au sein même des établissements médico-sociaux dans un environnement sécurisant, familier, qui prenne en compte leurs limites, fatigabilité et temporalité particulière », explique-t-il. Enfin, il encourage à créer, avec les associations représentatives et gestionnaires expertes, un centre de ressources polyhandicap national afin de « trouver des solutions toujours plus pertinentes ». « Le président Macron n'a-t-il pas dit dans son discours de réélection que 'personne ne resterait sur le bord du chemin ?' Il est grand temps ! », exhorte le collectif.
* Ce collectif regroupe 23 associations : Groupe polyhandicap France, Cesap, Croix-rouge française, Paralysie cérébrale France, APF France handicap, Unapei, Collectif handicaps, Les touts petits, Les amis de Karen, Centre de ressources multihandicap, Ressources polyhandicap, Apajh, Anecamsp, AFSR, AFSA, Asei, Hapogys, Cap devant, Envoludia, Handy rare et poly, Associations des carrés dans des ronds, Polycap 33 et Poly'mômes PACA.