Les hasards de la vie sont parfois… surprenants ! Et toutes les mamans ne se ressemblent pas. Alors qu'en France, Christel Prado, présidente de l'Unapei (Union nationale de personnes handicapées mentales), mère d'une jeune fille autiste et polyhandicapée, milite sans relâche pour la dignité des personnes avec un handicap mental, à l'autre bout du monde, en Floride, une affaire défraye le web. Une Américaine humilie son fils handicapé mental en mettant en ligne une photo de lui maquillé et habillé en fille… Le jeune garçon de dix ans apparait en pleurs. Bon, c'est indigne mais quel rapport ? Il se trouve que cette maman s'appelle… Christle Prado. Ca ne s'invente pas !
Parce qu'il faisait pipi au lit…
Selon le Daily mail, des utilisateurs de Facebook ont signalé cette photo, les services sociaux ont été alertés, ont réussi à identifier l'adresse et se sont aussitôt rendus sur les lieux. La mère de famille a été arrêtée et a justifié ce post inconvenant par le fait que son fils faisait pipi au lit et qu'elle voulait ainsi lui donner une leçon. C'est, selon elle, son propriétaire qui lui avait suggéré l'idée. Les voisins ont également révélé qu'elle avait obligé son fils à courir autour de la maison, assistant, hilare, à la scène. La garde du garçon et de deux autres enfants a, pour le moment, été confiée à leur grand-mère.
Le point de vue de Christel Prado
Nous avons alerté la « Française » sur cette homonymie stupéfiante et en avons profité pour l'interroger sur les violences ordinaires dont sont parfois victimes les enfants avec un handicap mental au sein de leur famille.
Handicap.fr : Est-ce une réalité fréquente ? Mais de là à agir en toute impunité, à la vue de tous…
Christel Prado : L'humiliation des enfants, handicapés ou non, est malheureusement encore trop fréquemment utilisée comme un moyen éducatif et pas uniquement par les parents. Les parents reproduisent ce qu'ils ont eux-mêmes subi tout simplement parce qu'ils pensent que c'est légitime. Il n'y a que si l'enfant peut réagir que ce moyen est remis en question. Or, quand l'enfant est en situation de handicap, ses seuls repères, puisqu'il est parfois en marge des autres membres de la famille et surtout en marge des modes de socialisation collectifs, sont ses parents. Les proches, le voisinage, imaginent que, puisque cet enfant est différent, il faut un moyen différent de l'amener à comprendre ce qu'il doit faire ou pas. Comme la situation de handicap est méconnue et fait peur, et bien, on se dit tranquillement que ce doit être le bon moyen éducatif.
H.fr : Pourquoi les parents en viennent-ils parfois à ce genre de comportement ?
CP : Tous certainement pour des raisons bien différentes. La plupart du temps, par un manque de prise de conscience que, quel que soit le développement psychomoteur d'une personne, celle-ci a une expérience de vie qui correspond à son âge biologique. Que cette personne est douée de sentiments et d'émotions même si elle a des difficultés pour les exprimer.
Ce peut être aussi par colère. Ce parcours du combattant, cette exclusion sociale imposée aux parents du seul fait du handicap… Ne pourrait-on pas, juste un instant, piétiner la personne qui l'incarne pour se sentir rejoindre le monde de la normalité ?
Ce peut être encore par fatigue, par usure. L'amour porté à l'enfant ne s'use jamais mais les façons de le lui dire parfois. Il est demandé aux parents d'être des éducateurs, des enseignants, des rééducateurs et des soignants. Après cela, il ne reste plus beaucoup de place au reste. Parfois, il a aussi pu nous être dit : « Vous devriez l'abandonner » ou « Votre enfant va mourir ». Comment l'amour peut-il en sortir totalement indemne ?
H.fr : Comment alerter lorsqu'on a ce type de suspicion ?
CP : Surtout ne pas chercher à savoir pourquoi mais alerter le 3634 pour les adultes ou le 119 pour les enfants et expliquer aux interlocuteurs ce dont nous avons été témoins. Je crois surtout que rompre l'isolement des familles est la meilleure des préventions.
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