10 % des bébés naissent, chaque année en France, avec un trouble du neurodéveloppement. Un peu moins de deux ans après le lancement de la campagne de l'Anecamsp, soutenue par la délégation interministérielle à l'autisme et aux TND (article en lien ci-dessous), l'Académie nationale de médecine incite, à son tour, à « agir tôt pour prévenir le handicap neurodéveloppemental chez le jeune enfant ».
Intervenir dans les 1 000 premiers jours
Les TND se caractérisent par une perturbation du développement cognitif et/ou affectif qui entraîne un retentissement important sur le fonctionnement adaptatif scolaire, social et familial. Cette entité regroupe des atteintes multiples (troubles sensoriels, neuro-visuels, de la motricité, du langage ou des fonctions intellectuelles, autisme, trouble de l'attention, de la concentration, des apprentissages ou du comportement). « Le dépistage des facteurs de haut risque (prématurité, antécédents de TND dans la fratrie, exposition à certains produits toxiques ou médicaments durant la grossesse...) et le repérage précoce de ces TND sont les conditions majeures pour l'instauration d'interventions recommandées durant la période de plasticité cérébrale maximale, dite des '1 000 premiers jours' », assure-t-elle le 29 juin 2022 dans un communiqué.
Etapes du développement cérébral
Selon l'Académie, dans cette courte fenêtre de temps, allant de la conception aux deux premières années de vie, se succèdent en effet les étapes essentielles, mais non définitives, du développement cérébral : myélinisation (qui permet de protéger les neurones) ; production de neurones, migration et mort programmée d'une proportion significative d'entre eux ; production des synapses (zone située entre deux cellules nerveuses assurant la transmission des informations), qui est exponentielle à partir du troisième trimestre de la grossesse et pendant les deux premières années postnatales, clef de la constitution des réseaux neuronaux... « Ces étapes de l'organisation fonctionnelle et de la maturation du cerveau et du cervelet sont contrôlées par des facteurs intrinsèques génétiquement déterminés, mais aussi par des facteurs extrinsèques environnementaux, y compris la stimulation, l'expérience et les apprentissages », poursuit l'Académie. Or un dysfonctionnement des circuits cérébraux et des connections synaptiques est évoqué dans les TND.
Projet global d'intervention personnalisé
« Il est donc fondamental de repérer précocement un écart dans la trajectoire développementale », insiste l'Académie de médecine. Selon les recommandations internationales, dès que des indices « de risque de TND » sont objectivés, les praticiens doivent mettre en œuvre, « sans attendre le diagnostic formel », un projet global d'intervention adapté personnalisé. Ce projet, co-élaboré avec la famille, intègre des approches thérapeutiques, éducatives et de socialisation. « Les interventions précoces, par des programmes de psychoéducation utilisant le jeu comme support et s'appuyant sur les processus d'intégration sensorielle, permettent de prévenir les sur-handicaps », détaille-t-elle.
Valoriser la place des parents
Autre enjeu majeur : valoriser et placer les parents au cœur de la prise en charge de leur enfant. « Un équilibre entre la prise en charge individuelle par la famille et l'inclusion de l'enfant dans un groupe de pairs (accueil chez une assistante maternelle, en crèche ou en halte-garderie puis, à l'école maternelle, avec des professionnels de la petite enfance dûment formés) est source de progrès », détaille l'Académie. Des programmes nationaux ainsi que des plateformes de coordination et d'orientation ont également été mis en place afin de favoriser les liens entre tous les acteurs de la santé de l'enfant, ce qui constitue, selon elle, « un progrès majeur dans notre pays ». Mais il en reste encore à fournir...
6 recommandations pour amplifier les pratiques
Afin de consolider les pratiques, l'Académie nationale de médecine recommande notamment de former des professionnels de santé et de l'éducation du jeune enfant aux nouvelles connaissances neurodéveloppementales, aux repérages et aux pratiques recommandées et de guider les parents, « partenaires du soin », et les aidants. Autres suggestions : pérenniser les réseaux de suivi des nouveau-nés vulnérables, augmenter le nombre de places dans les structures d'accueil collectif ou encore garantir l'accessibilité rapide aux soins en renforçant, notamment, les nouvelles plateformes de coordination et d'orientation TND et autres structures sanitaires et médico-sociales d'intervention précoce. Enfin, elle encourage à accélérer les recherches en neurosciences biologiques et cognitives, « en priorisant les études sur la fenêtre développementale de plasticité cérébrale maximale des 1 000 premiers jours ».
L'intervention précoce, un marronnier
Ces requêtes ne datent pas d'hier... En mars 2020, la Haute autorité de santé exhortait déjà à optimiser le parcours de l'enfant et de sa famille et d'harmoniser les pratiques de repérage et d'orientation dans une population à risque entre 0 et 7 ans. En janvier 2022, trois organismes, répondant à l'appel d'offres de l'Agence national du développement professionnel continu, avaient été sélectionnés pour optimiser la formation des médecins généralistes et pédiatres, en première ligne pour le repérage et la prise en charge précoces de ces troubles (article en lien ci-dessous).
Les psy déboutés
Par ailleurs, le 13 juin 2022, le Conseil d'Etat rejette les trois requêtes déposées par différents représentants des psychologues qui demandaient à élargir le champ des interventions au sein des plateformes de repérage et d'intervention précoce TND. Par cette décision, il valide ainsi de s'en tenir exclusivement aux méthodes recommandées par la Haute autorité de santé (article complet en lien ci-dessous).