À la veille de la présentation d'un rapport parlementaire attendu sur la protection de l'enfance, la ministre des Familles Catherine Vautrin dévoile son "plan" pour remédier à la "situation de crise" du secteur.
Le nombre d'enfants protégés en hausse
En 2022, près de 380 000 enfants étaient concernés par des mesures d'aide sociale à l'enfance (ASE), dont 55 % placés hors de leur famille. Parmi eux 25 % sont en situation de handicap, principalement psychique. Or le nombre d'enfants en difficultés augmente, en raison d'une plus grande détection des violences intrafamiliales, des difficultés sociales des familles, d'une hausse du nombre de mineurs isolés étrangers, alors que la protection de l'enfance peine à recruter et fidéliser des professionnels.
« Échec des politiques de protection de l'enfance »
Le 8 avril, une commission d'enquête parlementaire, lancée au printemps 2024, quelques mois après le suicide de Lily, une jeune adolescente placée dans un hôtel, doit faire ses préconisations pour pallier les "manquements des politiques publiques de protection de l'enfance". Sans attendre, Catherine Vautrin a pris les devants en reconnaissant dans Libération un "échec" des politiques de protection de l'enfance et en listant ses pistes pour y répondre.
Détecter la détresse psychique précocément
"Le meilleur placement est celui qu'on évite", précise-t-on à son ministère, en affichant comme premier objectif de "renforcer la prévention" notamment avec des "mesures de soutien à la parentalité" dès que les familles sont confrontées à des difficultés. Il s'agit notamment de détecter en périnatalité, dès la naissance, "la détresse psychique, des difficultés sociales" qui présentent "un risque pour l'enfant", précise-t-on au ministère. Lorsque les enfants sont sortis de leur famille, l'objectif est ensuite de favoriser les placements en contextes familiaux (famille élargie, famille d'accueil...) plutôt qu'en foyer. Or les assistants familiaux tendent à prendre leur retraite. Pour encourager les vocations, ils pourraient être autorisés à exercer, quand c'est possible, "un autre métier en parallèle".
Bilan de santé "inégalement réalisé"
L'enjeu ? Améliorer l'attractivité de ce métier dans un cadre financier très contraint, sachant que les départements, principaux gestionnaires de l'ASE (Aide sociale à l'enfance), sont confrontés à un important manque de moyens. "Nous sommes dans une situation budgétaire difficile", reconnaît Catherine Vautrin dans Libération. Alors que beaucoup d'enfant ont vécu des traumas, le bilan de santé prévu à l'entrée dans l'aide sociale à l'enfance (ASE) est pour le moment "inégalement réalisé" sur le territoire. La ministre souhaite expérimenter des conditions pour qu'il soit "assuré de façon généralisée et exhaustive", et ouvrir la voie à un parcours de soin adapté. Au-delà de la protection de l'enfance, le gouvernement souhaite renforcer la lutte contre les violences subies par les enfants.
15 mesures d'urgence mises en oeuvre
Mme Vautrin annonce la prolongation jusqu'en octobre 2026 du mandat de la Commission sur les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise: les enfants handicapés face aux violences sexuelles) et la mise en œuvre de neuf des quinze mesures d'urgences qu'elle demandait : généralisation des cellules de signalement dans toutes les administrations, accès à des soins spécialisés en psychotrauma, déploiement de 25 Uaped (structures d'accueil spécialisées dans les hôpitaux)... La Ciivise s'en est félicitée, tout en jugeant "alarmant" et "confus" le "message" du gouvernement "sur la protection des enfants". Elle juge "urgent de créer une ordonnance de protection de l'enfant, et de nourrir des débats sur l'imprescriptibilité alors que de nombreuses victimes voient encore leur agresseur échapper aux poursuites judiciaires".
Durcissement des contrôles des antécédents judiciaires
Le gouvernement veut aussi généraliser d'ici la fin de l'année une vérification plus poussée des antécédents judiciaires des personnes travaillant en contact avec les enfants. Une expérimentation menée dans six départements a montré que sur 93 000 demandes de "certificat d'honorabilité", 435 avaient été refusées dont 20 ont révélé une inscription au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijeas), selon le ministère. L'expérimentation a été étendue fin mars à 23 autres départements.
Mortalité infantile : création d'un registre national
Concernant la mortalité infantile, Mme Vautrin souhaite la création d'un "registre national" pour mieux suivre les décès, alors que la France est parmi les moins bien classés dans l'UE en la matière. Cet outil doit permettre un "constat" plus précis, précise le ministère, jugeant hâtif de lier ces décès à la disparition des maternités en zones rurales.