Développer la recherche, assurer l'accessibilité des meilleurs soins, permettre un diagnostic pointu et précoce grâce à une équipe pluridisciplinaire... Tels sont les objectifs des huit Centres d'excellence thérapeutiques de l'Institut de psychiatrie (CETIP), inaugurés le 4 juillet 2019. Selon le Professeur Raphaël Gaillard, responsable de l'un d'eux et président de la Fondation Pierre Deniker, « la société doit se saisir des problématiques de santé mentale car elles constituent l'un des enjeux majeurs du XXIe siècle ». Leitmotiv : 25 % de la population est ou sera touchée par un trouble psychique au cours de sa vie. Le hic, c'est que, bien souvent, les personnes concernées errent durant 8 à 10 ans avant d'obtenir un diagnostic. Pour mettre fin à ce constat, « il faut agir rapidement », affirme le Professeur.
Prise en charge complète nécessaire
« L'humain est au cœur d'une psychiatrie performante », estime Pr Gaillard. Mais un brin d'innovation serait le bienvenu ! Schizophrénies résistantes et troubles thymiques complexes à Rouen, souffrance psychique du jeune adulte à Clermont-Ferrand, soins intensifs pour premier épisode psychotique et réhabilitation psychosociale pour les personnes ayant des troubles schizophréniques à Caen, troubles obsessionnels compulsifs (TOC), pathologies résistantes et centre de détection et d'intervention précoce pour adolescents et jeunes adultes à Paris... « La création des CETIP apporte une réponse à la nécessité de créer un continuum recherche-prévention-prise en charge d'excellence, au sein de chaque région et sur l'ensemble du territoire national », considère Pr Marie-Odile Krebs, responsable de l'un des Centres.
Développer des stratégies thérapeutiques innovantes
Pour élaborer ce projet, l'Institut de psychiatrie et la Fondation Pierre Deniker sont partis d'un constat : « Les pathologies psychiatriques ne répondent que partiellement aux thérapeutiques médicamenteuses disponibles à ce jour, avec un impact individuel, social et économique » conséquent. Le développement de stratégies thérapeutiques innovantes est donc un enjeu majeur dans la prise en charge de ces maladies. Autre constat : la recherche manque de moyens. « Alors que les maladies mentales engendrent un coût annuel global évalué à 109 milliards d'euros par an*, seuls 2% de ce budget sont consacrés à la recherche en psychiatrie », regrette l'Institut. Enfin, en France, la psychiatrie est organisée territorialement, « avec initialement un découpage par secteur (1 pour 60 000 habitants) afin de permettre une prise en charge de chacun dans son lieu de vie, poursuit-il. Pour autant, ce maillage de proximité ne permet pas de façon systématique une expertise diagnostique et thérapeutique de qualité ni le recours à des parcours de soin spécifiques. »
Enjeu de société
Au-delà d'un enjeu scientifique, économique et territorial, c'est un enjeu de société. Les troubles psychiques tiennent une place importante dans la vie de plus d'un quart de la population française et impactent le quotidien de leurs proches : familles, amis, employeurs, collègues... « Et pourtant les citoyens ne disposent pas de manière égale d'un accès au soin », déplore l'Institut de psychiatrie. Ces centres de prise en charge clinique labellisés auront donc pour mission de présenter une offre de soins innovante, à l'échelle de la région et en lien direct avec la recherche, et d'offrir une palette large de thérapeutiques, y compris des programmes de réhabilitation novateurs. Six autres CETIP devraient voir le jour d'ici à 2020, à Poitiers (Poitou-Charentes) Lille (Nord), Rennes, Brest (Bretagne), Angers et Nantes (Pays de la Loire).
* Chiffres issus de La feuille de route Santé mentale et psychiatrie présentée par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, le 28 juin 2018