Psychiatrie de l'enfant : le signal d'alarme est tiré !

Parent pauvre de la psychiatrie, la situation de la pédopsychiatrie est jugée "alarmante". Les mesures du gouvernement suffiront-elles à intervenir plus précocement et à protéger notamment les enfants confiés à l'Aide sociale à l'enfance?

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Toujours « alarmante », c'est ainsi qu'est jugée la situation de la psychiatrie des mineurs en France par les sénateurs, trois ans après le rapport de la mission d'information du Sénat dédiée à ce sujet en avril 2017. Le 9 janvier 2020, au Sénat, s'est tenu un débat sur ce thème à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE). La pédopsychiatrie, parent pauvre de la psychiatrie, elle-même parent pauvre de la médecine ? De nombreuses problématiques sont soulevées : démographie inquiétante, faible attractivité des postes, manque de moyens, insuffisances dans l'offre hospitalière et ambulatoire, délais pour l'obtention de RV… Dans ce contexte tendu, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, et Adrien Taquet, secrétaire d'Etat à la protection de l'enfance, réaffirment « l'engagement du gouvernement de renforcer la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent », dès 2020, condition jugée « essentielle » pour une « efficacité accrue des politiques de protection de l'enfance dans chaque département ».

Feuille de route pour la santé mentale

Cette « spécialité » est d'ailleurs inscrite dans la feuille de route pour la santé mentale et la psychiatrie initiée par Agnès Buzyn en 2019 (article en lien ci-dessous). 20 millions d'euros ont ainsi été débloqués pour soutenir 35 projets dans ce domaine, visant plus particulièrement les départements non pourvus ou sous-dotés. Ils portaient, par exemple, sur la création de lits d'hospitalisation, de places de crise ou de post-crise, d'évaluation et de prise en charge des situations urgentes, ainsi que de places d'hospitalisation de jour. Par ailleurs, 10 millions d'euros ont permis le lancement, cette même année, du fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie, destiné à valoriser de nouvelles pratiques, qui, selon les ministres « a porté une attention particulière à la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et à la périnatalité ». Sur les 42 projets retenus au niveau national, 19 ciblent plus spécifiquement le repérage et la prise en charge précoce en psychiatrie. Ces deux appels à projet sont reconduits en 2020. La feuille de route prévoit également de renforcer l'attractivité des métiers dans ce domaine, notamment via la création de postes ou la présence de professeurs spécialisés dans chaque faculté de médecine.

ASE au cœur de la tourmente

L'Aide sociale à l'enfance, en pleine tourmente après la diffusion du documentaire Mineurs en danger dans Zone Interdite (M6) le 19 janvier 2020 (article en lien ci-dessous), qui témoigne de défaillances majeures, est également dans la ligne de mire. Ainsi, 32% des enfants relevant de l'ASE auraient des troubles psychiatriques contre 2,6% de la population générale, selon les chiffres du ministère de la Santé. Des actions sont donc également inscrites dans la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, présentée par le gouvernement en octobre 2019 (article en lien ci-dessous), qui « insiste particulièrement sur la volonté d'intervenir le plus tôt possible » auprès des enfants protégés au sein de l'ASE, en disant accorder une attention particulière à ceux relevant du « champ du handicap et du soin ». « Ces enfants sont en effet une priorité du gouvernement qui mobilisera les Agences régionales de santé sur le sujet », a assuré Adrien Taquet dans un communiqué rendu public le soir même de la diffusion du reportage. Un parcours de soins pour ce public est d'ailleurs expérimenté dans trois territoires (Loire-Atlantique, Pyrénées-Atlantiques, Haute-Vienne), avec une extension à dix prévue en 2020. Une consultation complexe pour le bilan de santé des enfants confiés à leur entrée dans les dispositifs de protection de l'enfance doit également démarrer en 2020.

« Le délai avant la prise en charge peut être de plusieurs années, amenant l'installation d'une souffrance psychique latente et parfois de la violence intrafamiliale », explique Marie-Jeanne Richard, présidente de l'Unafam (association de familles et personnes avec une maladie mentale). Militant pour une évaluation et une prise en charge précoces, elle questionne : « Ces enfants seraient-ils à l'ASE si les familles avaient eu en temps et en heure une aide sanitaire, sociale et médico-sociale ? ».

Le dispositif « Ecout'émoi »

Quant au dispositif « Ecout'émoi », il est expérimenté dans trois régions (Ile-de-France, Grand Est et Pays-de-la-Loire) pour trois ans ; il permet à des jeunes en souffrance psychique d'avoir un accès facilité et rapide à des consultations intégralement remboursées par l'Assurance maladie avec des psychologues libéraux. Depuis son lancement mi-2019, près de 300 jeunes ont pu en bénéficier. Enfin, Adrien Taquet, dans le cadre du nouveau plan de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants dévoilé le 20 novembre 2019, a annoncé la mise en place de 5 nouveaux dispositifs de prise en charge du psychotraumatisme pour compléter les 10 centres en activité depuis fin 2018 et ainsi renforcer le maillage du territoire national.

Quel bilan sur ces engagements ? Marie-Jeanne Richard se satisfait de cette « vraie prise de conscience » mais, selon elle, « il faut continuer à avancer, et c'est une responsabilité des pouvoirs politiques mais aussi des acteurs de terrain ». Elle rappelle que « 80% des troubles psychiques sévères apparaissent entre 15 et 20 ans ».

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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