Par Julien Dury
Ce qui n'était jusqu'alors qu'une expérimentation limitée pourrait bientôt bénéficier à davantage de patients dans la vie courante.
Résultats au bout de 2 mois
Détaillés le 20 mai 2024 dans la revue Nature Medicine, des résultats démontrent "la sécurité et l'efficacité" d'un dispositif consistant à poser des électrodes sur la peau autour de l'endroit où la moelle épinière de personnes tétraplégiques a été abîmée par un accident. Au total, une quarantaine d'entre elles ont à la fois regagné de la force et de la capacité à faire fonctionner leurs bras ou leurs mains, après deux mois de thérapie via ce dispositif.
Des avancées majeures
Promu par la startup Onward, il "pourrait changer la donne pour la majorité des patients atteints d'une lésion de la moelle épinière", a assuré le chercheur américain Chet Moritz, qui a mené cette étude, lors d'une conférence de presse organisée par Nature. Ces recherches s'inscrivent dans un champ qui a connu des avancées majeures depuis plusieurs années. Il s'agit de permettre à des personnes paralysées de bouger à nouveau, à l'aide d'une stimulation électrique de leur moelle épinière. Plusieurs patients sont ainsi déjà parvenus à remarcher durablement grâce à un implant placé directement sur leur moelle épinière. De prime abord moins spectaculaires, les résultats annoncés le 20 mai seraient toutefois en mesure de changer tout autant, voire plus, la vie de certains patients à court terme.
Le plus important : les mains !
"Tout le monde croit (...) qu'on voudrait juste marcher à nouveau", a expliqué la journaliste britannique Melanie Reid, paralysée après une chute de cheval il y a une quinzaine d'années. "Mais, pour un tétraplégique, le plus important, c'est de se servir de ses mains", a témoigné Mme Reid qui, après avoir bénéficié de ce dispositif, est désormais en mesure de faire défiler une page sur un écran de téléphone. Ce système est aussi intéressant d'un point de vue pratique. Il nécessite de poser un boîtier sur la peau, et non d'implanter des électrodes via une opération chirurgicale. Un implant, une piste également explorée par Onward, serait probablement plus efficace mais aussi plus complexe d'utilisation.
Pas posé en permanence
Et le boîtier ne nécessite pas d'être posé en permanence pour être bénéfique : il a été expérimenté au cours de séances d'une heure chacune. Au fil du temps, ses effets semblent perdurer car il contribue à développer de nouvelles connexions entre le cerveau et les membres atteints. "Les bénéfices augmentent avec le temps, (même) quand le stimulateur ne fonctionne pas", a insisté M. Moritz.
Une étude d'ampleur
Surtout, c'est par son ampleur que cette étude marque une avancée cruciale. Jusqu'alors, les recherches dans ce domaine n'avaient concerné que quelques patients isolés, pour des résultats impressionnants mais insuffisants pour conclure à la viabilité de tels outils dans la vie courante. Ici, l'essai a été mené à travers le monde sur une soixantaine de patients, un échantillon sans précédent. Si tous n'ont pas enregistré de progrès notables, près de trois quarts en ont bénéficié.
D'ici fin 2024 aux USA, juste après en Europe
A ce niveau, ces résultats permettent à Onward d'envisager des négociations immédiates avec les autorités sanitaires de pays comme les Etats-Unis. "On ne peut jamais prédire quand on obtiendra une approbation", a expliqué le chercheur Grégoire Courtine, qui a supervisé l'étude et fait partie de l'équipe d'Onward. "Mais, à notre avis, nous pourrons le commercialiser d'ici la fin de l'année aux Etats-Unis, puis juste après en Europe." Par contraste, au stade où en est la recherche, il faudrait encore envisager plusieurs années pour imaginer que des personnes paralysées aient couramment accès à des implants qui leur permettent de remarcher.
Reste une grande inconnue : le prix. "Pas encore défini", admet M. Courtine, qui promet que l'objectif est de rester "accessible".
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