Marianne, c'est le nom de la nouvelle cohorte nationale dédiée à la recherche dans le monde de l'autisme. 2 300 familles (parents-bébés) vont être suivies durant dix ans par des chercheurs pour permettre de déterminer le rôle des facteurs environnementaux et biologiques, que l'on appelle « exposome », dans la survenance de troubles du spectre de l'autisme et du neurodéveloppement (TSA-TND). « Les causes et les mécanismes de l'autisme échappent encore largement à notre compréhension », consent Frédérique Vidal, ministre de la Recherche. Cette recherche, la « première » de ce type en Europe, selon le gouvernement, bénéficie du soutien de quatre centres hospitaliers universitaires (Lille, Lyon, Rouen et Toulouse*) ; elle est dotée d'un financement de 6 millions d'euros du Programme d'investissement d'avenir (PIA).
De l'influence de l'environnement
Dans les évaluations les plus récentes des pays développés, on estime le taux de prévalence du TSA à 2 %, chiffre qui a considérablement augmenté ces vingt dernières années. Mais « les progrès en matière de dépistage n'expliquent qu'en partie cette augmentation, indique la Délégation interministérielle autisme et TND. Si la génétique représente un facteur bien établi des causes de l'autisme, les données scientifiques suggèrent que TSA et TND ont des origines multiples, ce qui soulève un certain nombre de questions sur l'influence des changements environnementaux majeurs survenus ces dernières décennies ».
Un suivi précoce
« Marianne va recruter des femmes enceintes présentant le risque d'avoir un enfant avec TSA-TND, des papas aussi, ainsi que d'autres femmes enceintes issues de la population générale », selon le communiqué. Des études ont en effet démontré que les frères et sœurs cadets d'enfants avec des TSA présentent un « risque » important de survenue de ces troubles. Le suivi débutera au cours du deuxième trimestre de grossesse et se poursuivra jusqu'à 6 ans. Des échantillons biologiques seront collectés auprès des parents et enfants, complétés par des données cliniques, sociales et environnementales.
Les familles au cœur de la recherche
Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, entend ainsi « améliorer le suivi des personnes et les synergies entre les différentes équipes », un « prérequis essentiel à la construction d'un espace de recherche ». Via cette cohorte, elle promet « d'impliquer les personnes et familles à chaque étape, en les plaçant au centre des démarches et des méthodologies choisies ». C'est d'ailleurs le credo qu'elle a défendu le 9 mars 2022, alors qu'elle réunissait ses homologues de l'Union européenne à Paris ; elle a par ailleurs encouragé la création d'un « espace de recherche européen » dédié à l'autisme et la mise en place d'un « réseau mondial d'essais cliniques » (article en lien ci-dessous). Structurer la recherche et mettre la science au cœur des politiques publiques est l'une des priorités de la stratégie nationale 2018-2022. Pour Claire Compagnon, sa déléguée interministérielle, « ces résultats pourraient ouvrir la voie à la prévention, à un accompagnement très précoce des naissances à risque ou encore à la création de thérapeutiques ».
*Le projet est coordonné par le Pr Amaria Baghdadli, responsable du Centre d'excellence sur l'autisme et les troubles du neuro-développement (Montpellier) et chercheuse au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP) de l'Inserm, et par le Dr Marie-Christine Picot, responsable de l'Unité de recherche clinique et épidémiologie au sein du même CHU, chercheuse associée (CESP) de l'Inserm, dont les travaux respectifs sont reconnus internationalement dans les domaines de l'autisme et des cohortes épidémiologiques en santé