Est-il possible, lors du recrutement de l'assistant de vie d'une personne handicapée, de définir l'âge souhaité sans être taxé de discrimination ? La Cour de justice de l'Union européenne, qui siège à Luxembourg, a pris position le 7 décembre 2023. Le cas s'est présenté en Allemagne en 2018.
De préférence entre 18 et 30 ans
La société « Assistenzprofis », spécialisée dans l'accompagnement de personnes handicapées, cherche une aide « ayant de préférence entre 18 et 30 ans » pour accompagner une étudiante âgée de 28 ans. Une candidate n'appartenant pas à cette tranche, et donc évincée, s'estime alors « discriminée du fait de son âge ». L'affaire passe d'abord par la Cour fédérale du travail allemande qui ne parvient pas à trancher. Elle s'en remet alors à la Cour de justice européenne. Rappelons que ce qu'on appelle le « renvoi préjudiciel » permet aux juridictions des Etats membres, dans le cadre d'un litige dont elles sont saisies, d'interroger la Cour sur l'interprétation du droit de l'Union ou sur la validité d'un acte de l'Union.
Une exception justifiée par l'autodétermination
Verdict ? « La législation allemande exige expressément de satisfaire aux souhaits individuels des personnes handicapées dans le cadre de la fourniture des services d'assistance personnelle », précise la Cour européenne dans un arrêt qui va également dans ce sens. En d'autres termes, il est possible pour une personne en situation de handicap de refuser un candidat pour un emploi d'assistant personnel parce que son âge ne lui convient pas. Une décision justifiée par « le respect du droit à son autodétermination ». Les personnes concernées doivent être en mesure de pouvoir « choisir comment, où et avec qui elles vivent ». Or, dans ce cas précis, un candidat du même âge « s'intègrera plus facilement dans l'environnement personnel, social et universitaire ».
Le droit européen prime
En droit du travail, il s'agit d'une exception puisque la loi (en tout cas française) interdit les discriminations de différentes natures (raciste, sexiste, homophobe, liées à l'âge ou à l'état de santé…) en matière d'embauche, de formation, de salaire… Mais l'Allemagne devra maintenant « résoudre cette affaire conformément à la décision de la Cour ». « Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d'un problème similaire », ajoute la Cour. Elle s'applique donc en France aussi !