« Développer une politique handicap, c'est faire prendre conscience de la vulnérabilité de l'être humain et de ses fragilités mais aussi de ses forces. C'est aussi développer un management à l'écoute, capable d'accompagner les singularités de chaque salarié. » Tel est le rôle de Simona Burgio, qui pilote la mission handicap nationale du Régime général de la Sécurité sociale. Un travail colossal pour l'un des plus gros employeurs de France, qui regroupe plus de 140 000 salariés. « Les outils de communication, de sensibilisation, de formation et de recrutement que je déploie pour améliorer la qualité de vie professionnelle des travailleurs handicapés visent à servir tous ces employés », explique-t-elle. Simona prend la parole à l'occasion des premières Universités du réseau des référents handicap qui se tiennent, du 6 au 9 octobre 2020, en ligne en raison de la crise sanitaire (article en lien ci-dessous).
Handicap.fr : Qu'est-ce qui fait la richesse de votre métier ?
Simona Burgio : Cette fonction, très polyvalente, permet de traiter des questions d'embauche, de maintien dans l'emploi, de gestion des évolutions de carrière, voire de reclassification. Ce poste a aussi du sens parce qu'il accompagne l'évolution des mentalités en entreprise, met à mal les préjugés et représente un soutien pour les personnes qui rencontrent une période de fragilité.
H.fr : Votre organisme compte également de nombreux référents handicap, un poste devenu obligatoire dans les entreprises de plus de 250 salariés (article en lien ci-dessous) ; quel est son rôle ?
SB : C'est l'interlocuteur privilégié sur le sujet du handicap en entreprise et celui qui fait le lien entre la direction et les salariés. En bref, c'est celui qui matérialise la capacité à mettre l'humain au cœur de l'entreprise pour accompagner un changement d'échelle dans notre manière de travailler, afin de ne plus réfléchir en termes de performance individuelle mais plutôt de performance globale.
H.fr : Comment parvenez-vous à les mobiliser ?
SB : Je travaille avec une équipe de quatre référents nationaux, soit un pour chaque branche de la Sécurité sociale (maladie, recouvrement, vieillesse et famille), qui sont eux-mêmes en lien avec les référents territoriaux et locaux des 299 organismes que regroupe la Sécurité sociale. Autrement dit, je coordonne les actions à mettre en œuvre afin de les déployer auprès des référents handicaps. Ce réseau national structuré en interbranche permet d'assurer une cohérence sur l'ensemble du territoire ainsi qu'un partage et une mutualisation des pratiques.
H.fr : Quel est l'intérêt pour les référents handicaps locaux ?
SB : Nous fédérons tous ces organismes autour d'une voie commune mais ils restent, pour autant, autonomes, et libres à eux de mettre en place de nouvelles actions. Le rôle des référents nationaux est également de repérer les difficultés locales et d'y répondre. A mon sens, cela crée forcément de l'intérêt, de l'envie chez ces référents locaux car ils disposent d'une base solide et se sentent soutenus pour pouvoir progresser en interne.
H.fr : A quels freins êtes-vous confrontée le plus souvent ?
SB : La principale difficulté relève surtout de l'animation de ce gigantesque réseau et de la mise en route des actions proposées. Notre mobilité interne favorise le changement de poste, de nombreux référents handicap sont ainsi missionnés sur un ou deux ans avant de laisser leur place à un autre ou d'évoluer. Par conséquent, il faut repartir de zéro avec chaque nouveau postulant et cela prend du temps, mais ce changement continu et ces perspectives d'évolution font aussi notre force.
Autre obstacle : la différence de maturité et de tailles des organismes pour lesquels nous travaillons. Certaines entreprises ont engagé des actions en faveur du handicap il y a très longtemps et n'ont aucun problème à mettre en place les outils que nous proposons, elles sont déjà dans le « mood », si l'on peut dire. A contrario, d'autres sont moins matures sur le sujet du handicap et ont besoin de plus de temps.
H.fr : La mise en place d'une politique handicap fait-elle l'unanimité auprès des différents organismes ?
SB : Complètement, ils sont tous partants pour accompagner ces travailleurs en difficulté, comme l'illustre notamment le taux global d'emploi direct du Régime général de la Sécurité sociale de 6 %.
H.fr : Des exemples d'actions menées pour booster l'inclusion ?
SB : A mon arrivée, le Régime général avait signé une convention avec l'Agefiph qui visait à favoriser l'emploi des personnes en situation de handicap, via une trentaine d'actions concrètes. A ce titre, nous avons, par exemple, initié des actions de sensibilisation auprès des directions, des salariés, via des jeux, des expositions ou encore des conférences, favorisé le recrutement et l'inclusion par des salons virtuels et présentiels. Des autodiagnostics sont également à disposition de tous les organismes pour analyser les problématiques qu'ils rencontrent et les corriger afin d'être plus inclusif.
H.fr : Comment accompagnez-vous les référents handicap qui débutent ?
SB : Nous avons essayé de créer tous les supports utiles pour les mettre en confiance, à commencer par une plateforme virtuelle qui offre toutes les informations nécessaires pour mettre en place une politique handicap. En cas de besoin, ils disposent également d'une hotline qui répond à leurs questions.
H.fr : Pensez-vous qu'un référent handicap devrait être obligatoire dans chaque entreprise, quelle que soit sa taille ?
SB : Dans notre organisation, chaque organisme a nommé un référent handicap, qu'ils embauchent 75 ou 2 000 salariés. A bon entendeur... Plus, qu'une obligation, je pense qu'il faudrait davantage sensibiliser les directions.
H.fr : Avec quels autres acteurs travaillez-vous et qu'espérez-vous d'eux ?
SB : Je travaille avec de nombreux acteurs du champ du handicap (des associations, comme l'Agefiph, des prestataires, des entreprises adaptées...). Ce que j'espère ? Qu'ils commencent à travailler ensemble plutôt qu'en silo.
H.fr : Avez-vous participé à l'organisation de la première université du réseau des référents handicap (URRH) ?
SB : J'ai été sollicitée une fois par l'Agefiph lors d'une réunion d'interface avec les entreprises. C'est très difficile d'organiser un évènement, on ne se rend pas forcément compte du besoin externe. J'étais notamment là pour porter les besoins des grandes entreprises, qui se sentent souvent un peu perdues. Pour l'URRH, j'ai par exemple proposé de créer des ateliers de différents niveaux pour répondre aux attentes de toutes les entreprises, qu'elles soient débutantes ou confirmées en matière de politique handicap. Nous sommes partants pour aider, soutenir mais cherchons aussi à être nourris. J'espère que ce sera le cas lors de cet évènement...
Référent handicap : placer l'humain au cœur de l'entreprise
Avec 140 000 salariés, la Sécurité sociale est l'un des plus gros employeurs de France. Son taux d'emploi direct de personnes handicapées atteint 6 %. Simona Burgio, chargée de mission handicap, fait tout pour que ça dure...
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