Pour la première fois dans l'histoire des Jeux paralympiques, ils seront deux à défiler sous la bannière du Comité international paralympique dans le stade de Maracaña le 7 septembre 2016 à Rio. Deux sportifs ayant le statut de réfugié composant l'équipe des athlètes paralympiques indépendants (IPA) (article en lien ci-dessous). Ils s'appellent Ibrahim Al Hussein, nageur, et Shahrad Nasajpour, lanceur de disque iranien qui a obtenu l'asile aux Etats-Unis. Si le second ne souhaite pas que l'on s'appesantisse sur son parcours, Ibrahim aime, lui, raconter son histoire pour inspirer tous ceux qui sont touchés par une tragédie...
Un voyage périlleux
En 2013, Ibrahim Al Hussein est chez lui lorsqu'il entend un ami appeler au secours. Il se précipite pour l'aider et est à son tour atteint par un tir de roquette. Son pied droit est arraché. Il est transporté dans une clinique et soigné avec des moyens rudimentaires au point de se réveiller à deux reprises durant l'opération, pleinement conscient de cet effroyable spectacle. Il est renvoyé chez lui le jour même. Ce jeune syrien de 24 ans, sportif dès le plus jeune âge, nageur et judoka en compétition, encouragé par son père entraîneur de natation, qui prenait l'habitude de nager dans les eaux de l'Euphrate avant le début de la guerre civile, voit ses rêves de carrière sportive s'envoler. Sa vie s'envoler. Il décide alors de fuir son pays, laissant derrière lui sa famille (13 frères et sœurs) et erre sur les routes pendant des mois, mutilé par une douleur atroce que ne soulagent que des trop rares médicaments. Il atteint la Turquie avec l'espoir d'y recevoir les soins nécessaires. En vain. Il n'a alors d'autres choix que de tenter une traversée périlleuse, en canot pneumatique, vers la Grèce, à laquelle il parvient à survivre. Arrivé sur place, il est pris en charge et obtient un fauteuil roulant et des béquilles.
Porteur de la flamme olympique
Sauf et à peine sain, quelques mois plus tard, Ibrahim décide malgré tout de se remettre au sport avec l'appui d'une amie qui travaille dans une association grecque d'aide aux réfugiés. Il débute un entraînement qui lui permet de nager quatre heures par jour et de s'initier au basket fauteuil. "La douleur me donne envie de jouer, me donne l'énergie. Le sport est un exutoire. Je me moque de ne pas manger ou de ne pas avoir de toit mais ne me privez pas de mon entraînement." Il vit depuis à Athènes, travaillant à mi-temps dans un café pour payer ses factures, avant de partir s'entraîner au Centre de formation olympique à Athènes où il bénéficie du soutien du Comité paralympique hellénique et d'un entraîneur. En avril 2016, c'est lui qui a été choisi pour porter la flamme olympique dans le camp de réfugiés d'Eleonas, à Athènes, dans le cadre de l'étape grecque du relais olympique (article en lien ci-dessous).
Une véritable délégation
"J'ai rêvé de [participer aux Jeux] pendant 22 ans, explique le jeune homme. J'ai cru que mon rêve ne se réaliserait jamais après la perte de ma jambe mais, maintenant, il est à nouveau à portée. Pour de vrai ! J'ai du mal à croire que je pars pour Rio !" Le nageur sera engagé en catégorie S 10 sur les 50 et 100 m nage libre (provisoire). Ibrahim, qui vise l'or, veut "envoyer un message à tous ceux qui ont été blessés" et les encourager à aller au bout de leur rêve. Les deux athlètes seront accompagnés par un chef de mission, Tony Sainsbury, cinq fois chef de mission de l'équipe britannique paralympique, de l'ex directeur du village paralympique de Londres 2012 tandis qu'Ibrahim pourra compter sur la présence de son entraîneur. Cette délégation inédite a pu compter sur le soutien de nombreux partenaires, notamment pour lui fournir des prothèses et autres produits de réadaptation ainsi que son uniforme. Tous les autres frais, y compris le voyage vers Rio, sont pris en charge par le Comité paralympique international (IPC). Pour les cérémonies officielles ou la remise de médailles, c'est l'hymne paralympique qui sera joué.
Encourager les réfugiés à la pratique sportive
"Ces athlètes permettront de mettre en lumière le sort des milliers de réfugiés et demandeurs d'asile qui prennent des décisions difficiles et se lancent dans des voyages périlleux, souvent avec des déficiences, explique Tony Sainsbury. Ils aideront à promouvoir l'inclusion sociale et à diffuser les valeurs paralympiques de courage, de détermination et d'égalité dans le monde entier". Une page Facebook (en lien ci-dessous) leur est dédiée. A l'issue des Jeux de Rio, ils pourront compter sur le soutien du mouvement paralympique par le biais de sa fondation Agitos qui entend pérenniser son aide pour les mener vers les championnats du monde 2017 dans leur discipline respective et surtout étoffer les opportunités pour les réfugiés et demandeurs d'asile handicapés d'accéder à la pratique sportive (article en lien ci-dessous).
© UNHCR/ Achilleas Zavallis et Yorgos Kyvernitis