En 2016, Rose Augustin, 2 ans, est exclue de sa micro-crèche après un changement de direction en raison de son épilepsie. La nouvelle équipe refuse de réagir en cas de crise et de lui administrer le traitement adéquat au motif qu'elle ne veut pas être attaquée pour « exercice illégal de la médecine ». Or il ne s'agit que d'une pipette de Buccolam pré-dosée à placer dans sa bouche. Ses parents portent plainte, un premier procès les déboute, ils font alors appel, espérant enfin obtenir justice. Le verdict est attendu le 17 mai 2019.
Un effet boule de neige ?
Depuis 20 ans, la question de l'administration de médicaments aux jeunes enfants de moins de 6 ans accueillis dans les EAJE (Établissements d'accueil du jeune enfant, à savoir micro-crèches, crèches, assistantes maternelles, jardins d'enfants, haltes-garderies) fait l'objet de débats et d'interprétations individuelles, bien que de récentes réponses ministérielles aient tenté de clarifier les pratiques. En France, ils sont près de 100 000 à bénéficier d'un PAI (projet d'accueil individualisé) pour cause d'allergie, de diabète, de maladies chroniques ou d'épilepsie. A travers ce jugement en attente, Epilepsie-France redoute un effet « boule de neige » si la justice décide une nouvelle fois de relaxer la micro-crèche. « En vérité, aucun établissement de ce type ne dispose d'un personnel médical présent de façon permanente. Une telle exigence imposée par la loi serait de toute façon impossible à mettre en œuvre tant pour des raisons d'effectifs que budgétaires. », précise l'association.
Des refus de plus en plus fréquents
Le 10 avril 2019, Epilepsie-France, rejointe par d'autres associations du champ de l'épilepsie mais également des allergies, de l'hémophilie et la Société française de neurologie pédiatrique, a donc adressé une lettre ouverte à Agnès Buzyn, ministre de la Santé, et Sophie Cluzel, secrétaire d'État au Handicap. Elles y dénoncent une situation jugée « inacceptable » envers les jeunes enfants atteints de maladie chronique qui, « en raison de leur jeune âge, ne peuvent être autonomes dans la prise de leur traitement ». Elles disent observer des refus d'admission et des exclusions « de plus en plus fréquents », du fait de l'application stricte des textes actuellement en vigueur et dénoncent la « contradiction entre le cadre légal défini par le Code de la Santé publique, qui énumère de façon limitative les professionnels médicaux habilités à administrer un traitement, et le cadre réglementaire qui oblige chaque établissement à en faire sa propre interprétation ».
Une situation ambiguë
Qui peut aujourd'hui donner un médicament à un jeune enfant ? Comment distinguer l' « administration » d'un traitement d'une « aide à la prise », acte de la vie courante susceptible d'être accompli par tout un chacun. Le sujet est crucial parce qu'il ne relève pas d'un cas d'espèce mais de situations tout à fait ordinaires : traitement ponctuel pour les pathologies courantes (fièvre, chutes, etc.), surveillance de l'état de santé et traitement de fond ou d'urgence, en particulier dans le cadre de maladies chroniques telles que le diabète, l'asthme, l'allergie sévère à risque d'anaphylaxie et l'épilepsie. Mais la situation reste ambigüe, d'autant que, selon les départements et gestionnaires, les pratiques autorisées ne seraient pas les mêmes. Face à ce flou, il y parfois deux poids deux mesures. « Les enfants allergiques ont pu bénéficier, par le Conseil de l'ordre des médecins, d'un avis qui indique que, dans le cadre d'un PAI, l'administration du traitement d'urgence avec le stylo-injecteur d'adrénaline n'est pas considéré comme un acte médical », constate Epilepsie France.
Changer les lois
Pour clarifier la situation, les associations réclament un rendez-vous avec les deux ministres avant la publication très prochaine des ordonnances gouvernementales sur les modes d'accueil du jeune enfant, qui doivent simplifier ces normes. L'objectif de cette mobilisation, in fine, est de modifier la loi existante en tenant compte des expériences concrètes vécues par les familles. Epilepsie France ajoute que cette problématique peut également concerner l'école primaire, a fortiori parce que les enseignants sont encore moins formés.
Rappelons qu'en juillet 2018, la ministre de la Santé a officialisé la mise en place d'un bonus de 1 300 euros pour les crèches qui accueillent des tout-petits en situation de handicap. N'était-ce pas avec l'objectif que leur accueil soit inconditionnel ?
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