Par Maja Czarnecka
Dernière minute le 27 mai 2018
Une dizaine de jeunes handicapés qui occupaient depuis quarante jours avec leurs familles un couloir du Parlement à Varsovie pour réclamer une hausse de leurs maigres allocations ont annoncé le 27 mai 2018 qu'ils mettaient fin à leur mouvement. Leur décision a été prise dans le contexte de la session de printemps de l'assemblée parlementaire de l'Otan, tenue au siège du parlement jusqu'au 28 mai. Invoquant des raisons de sécurité, les autorités ont bloqué le couloir occupé par les protestataires, en leur laissant l'usage d'un cabinet de toilettes, mais en coupant l'accès aux douches et au monde extérieur. "Après quarante jours, nous suspendons notre protestation au Parlement", a déclaré à la chaîne de télévision polonaise TVN24 une des figures de proue du mouvement, Iwona Hartwich, qui campait dans le Parlement avec son fils handicapé de 23 ans. "Nous sommes inquiets pour le bien-être de nos enfants, nous sommes coupés de tout", a-t-elle expliqué.
Article initial du 19 mai 2018
Une dizaine de personnes handicapées et leurs parents occupent depuis un mois un couloir du parlement polonais pour réclamer une hausse de leur allocation mensuelle de 120 euros, soutenus par un élan de solidarité des Varsoviens. Leur motivation, reconnue et appuyée par une majorité des Polonais, est claire : les allocations qu'ils touchent (245 euros) ne leur permettent pas de mener une vie "normale", même à un niveau modeste. Surtout lorsqu'un membre de la famille doit renoncer à un travail rémunéré pour s'occuper de la personne handicapée.
Des vivres et des couches culottes
"J'ai apporté des vivres, des produits sanitaires et des couches culottes pour adultes", dit Kozielska, une retraité de Varsovie en déposant ses dons dans une tente installée face au parlement. Y sont stockés jus de fruits, boîtes de conserve et biscuits. Une dame vient également y déposer du linge des protestataires qu'elle a retiré la veille, lavé chez elle pour le rapporter propre. "Elles sont tellement courageuses ces femmes, c'est la moindre chose de les aider ainsi". Les députés et les employés du Sejm (le Parlement) sont les seuls à pouvoir circuler librement et acheminer ces affaires aux protestataires, qui au cas où ils sortiraient du bâtiment seraient empêchés d'y revenir.
Parlement barricadé
Le 16 mai 2018, Janina Ochojska, fondatrice et cheffe de la plus ancienne organisation humanitaire polonaise Polska Akcja Humanitarna (PAH) s'est vu refuser l'accès, ce qui a suscité de vives critiques de l'opinion publique. "J'espérais qu'on allait tout de même me laisser entrer, une personne comme moi, handicapée et qui a fait de l'aide aux défavorisés le credo de sa vie", a-t-elle déclaré à la presse devant un barrage de police. "Je suis venue soutenir les personnes handicapées dans leur combat. Ce qu'ils demandent, 500 zlotys, n'est qu'une goutte d'eau pour subvenir à leurs besoins", a-t-elle ajouté, s'appuyant sur des béquilles. "Je suis allée à Sarajevo et à Grozny et j'ai pu passer. Le Sejm s'est tellement barricadé que je vais devoir revenir ici avec un convoi humanitaire", a-t-elle ironisé.
Conflit politique
Arrivés au pouvoir en 2015 grâce entre autres à des promesses d'aides aux familles, les conservateurs nationalistes cherchent depuis le début de la protestation à mettre fin à celle-ci. Selon eux, la contestation est attisée par l'opposition qui cherche à monter en épingle un scandale de primes que le gouvernement s'est accordé et qui a terni son image. "On voit clairement une inspiration politique. Tous les jours des députés de l'opposition se rendent chez les protestataires pour leur donner des instructions", a déclaré à la radio publique le chef du cabinet du Premier ministre Marek Suski.
Vers un tribut de solidarité ?
Mais les protestataires soulignent qu'ils sont apolitiques et rappellent aux conservateurs que lorsqu'ils étaient dans l'opposition, ils avaient promis de les aider. Sa décision fin avril de majorer la rente pour les personnes handicapées de 39 euros, à 245 euros par mois, n'a pas été suffisante pour les satisfaire. En plus de la rente, une personne handicapée a droit à une paire de chaussures orthopédiques par an et une chaise roulante tous les 5 ans. Son tuteur, s'il ne travaille pas, bénéficie d'une rente de 200 euros. La dernière proposition du pouvoir consiste à imposer aux Polonais les plus riches "un tribut de solidarité" qui financerait divers fonds chargés d'aides aux personnes handicapées.
Dormir sur le carrelage
"Cet argent va se diluer dans des organismes d'Etat et nos enfants ne le verront jamais", a critiqué une des protestataires, Iwona Hartwich, 47 ans. En plus, la mesure n'entrerait en vigueur qu'en 2020. "On ne cédera pas sur les 500 zlotys", dit son fils, Jakub, 23 ans, un des visages de la protestation. "Les dix premiers jours ont été difficiles. On dormait directement sur le carrelage. Là, c'est beaucoup mieux. Des gens nous ont acheté des matelas", dit-il. "On a des couvertures et des coussins".