Benjamin, malvoyant, employé dans les cuisines du Ritz

Benjamin, 52 ans, malvoyant, travaille dans les cuisines du Ritz. Il a reçu la visite de Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat en charge du handicap, qui salue l'implication de cet établissement légendaire. Lorsque handicap et prestige font bon ménage.

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Le Ritz. Palace éminemment sélect avec des clients triés sur le volet. Mais qu'en est-il du côté des employés ? Ils sont plus de 600 à œuvrer pour l'excellence à la française. Parmi eux, Benjamin Ebaah. Il officie dans les cuisines du self destiné au personnel avec une particularité, il est malvoyant, au point de voir difficilement à plus d'un mètre. Il s'est posé la question : « Moi, handicapé, je peux travailler dans un hôtel aussi prestigieux ? ».

Un parcours semé d'embuches

A 52 ans, ce commis de cuisine originaire du Cameroun s'affaire sans que son handicap ne soit vraiment perceptible, si ce n'est ses lunettes qui éclaircissent la vue ou le recours, parfois, à une loupe électronique. Il a commencé à perdre la vue il y a près de trente ans mais a dû attendre son arrivée en France, en 2004, pour poser un diagnostic sur le mal qui le rongeait doucement et risquait de le mener à la cécité : la maladie de Stargardt. Il a quelques difficultés pour programmer le four ; pas facile de distinguer, sur l'écran, les heures et les secondes. « Il me faut encore un peu de temps pour trouver la bonne fonction et la bonne température », confie Benjamin. Il fut tour à tour vérificateur de produits, magasinier, agent dans une société de nettoyage avant que son handicap ne l'oblige à renoncer à chacun de ses emplois.

Via l'école hôtelière

Il n'avait jamais travaillé dans la restauration mais, avec l'appui du syndicat de l'hôtellerie, GNI-Synhorcat et Cap emploi, il obtient une formation au sein de l'Ecole hôtelière de Paris-CFA Médéric, qui se dit « mobilisée sur les enjeux de société contemporains tels que l'insertion des jeunes en situation de handicap » ; lors du CIH (Comité interministériel du handicap) du 20 septembre 2017, la brigade qui avait assuré le service à Matignon comptait dans ses rangs plusieurs recrues handicapées (article en lien ci-dessous). Floriane Drebel, responsable ressources humaines du Ritz, assure que le secteur de l'hôtellerie embauche un grand nombre de personnes en situation de handicap via ses CFA (centre de formation des apprentis), proposant une grande diversité de métiers.

Priorité au sourire

A l'issue de sa formation, Benjamin passe plusieurs entretiens dans de grands hôtels parisiens et choisit le Ritz qu'il intègre en décembre 2016. En moins d'un an, sous la houlette du cuisinier, il prend ses marques. Ses collègues le définissent comme un « gros bosseur », se disent « heureux de travailler à ses côtés » et assurent qu'il « est autonome et se débrouille très bien ». Pour assurer un service de près de 1 200 couverts par jour, ses employeurs privilégient certains atouts lors du recrutement : « Ce ne sont pas forcément les compétences professionnelles qui priment mais un sourire agréable et de la bonne humeur. »

La ministre en cuisine

Le 16 novembre 2017, Benjamin reçoit, après le coup de feu, une visite un peu particulière, celle de Sophie Cluzel. La secrétaire d'Etat en charge du Handicap a découvert son portrait dans un magazine et souhaité le rencontrer. En pleine Semaine européenne des personnes handicapées (SEEPH), ce parcours est une aubaine pour convaincre que le handicap n'empêche pas d'accéder à l'excellence. « C'est le type d'exemple qui peut donner aux équipes et aux employeurs l'envie de se lancer », déclare Sophie Cluzel. 

Une permanence handicap

Le Ritz compte, pour le moment, dans ses rangs, 17 salariés en situation de handicap. Après quatre ans de rénovation, le palace a rouvert ses portes il y a un an et promet de mieux faire dans ce domaine, aussi bien en termes d'embauche que de maintien dans l'emploi… Ce jour-là, une permanence à l'intention des salariés touchés par un handicap se tient dans les dédales de son sous-sol. Les initiateurs de Th Partners accueillent toute l'après-midi cuisiniers, femmes de chambre, agents d'entretien pour les informer sur le statut de travailleur handicapé et les avantages qu'ils peuvent en tirer. « Dès notre réouverture, cela a fait partie de nos projets et nous avons mis cette politique en route. Cela nous tient à cœur de dédramatiser le terme tabou de 'handicap' et d'accompagner tous nos collaborateurs, même si certains préfèrent encore rester discrets », confie Floriane Drebel. Et lorsqu'on lui demande si, un jour, on peut imaginer des personnes par exemple trisomiques au contact direct de la clientèle, elle répond : « Pourquoi pas ? ».

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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