« Vas-y, fonce dans le tas ! ». Sur le parquet, bien harnachés dans leurs fauteuils aux airs de chars d'assaut blindés, les joueurs de rugby-fauteuil semblent glisser à toute vitesse pour attraper la balle. Mais c'est bien à la force des bras qu'ils se déplacent. Devenu un sport paralympique lors des Jeux de Sydney en 2000, cette discipline a été inventée en 1977 à Winnipeg, au Canada, par des personnes tétraplégiques qui n'avaient pas les qualités requises pour jouer au basket-fauteuil.
Hargne et énergie
Les joueurs sont classés selon leur niveau de handicap et la mobilité de leurs membres (de 0,5 à 3,5 points). Chaque équipe ne doit pas compter plus de huit points. Mélange de basket, de volley et de rugby, ce sport oppose deux équipes de quatre joueurs en fauteuil qui doivent passer dans la ligne de but adverse avec le ballon. Dribbles, feintes, slaloms, passes courtes ou longues, mais aussi chocs violents entre fauteuils pour se bloquer, tous les coups sont permis dans ce rugby. « Les contacts, l'engagement physique, c'est ce qu'on aime », explique à l'AFP Jonathan Hivernat, le capitaine de l'équipe de France, 7e au classement mondial. Ce joueur de 25 ans, atteint de la maladie de Charcot, a commencé à le pratiquer en 2006 : « C'est très intense et très physique. Mais c'est à la hargne et à l'énergie qu'on donne sur le terrain qu'on fait la différence », poursuit-il. Pendant quatre périodes de huit minutes chacune, qui semblent en durer vingt, la pression est constante, selon lui, parce que les joueurs attaqués de toute part ne peuvent garder la balle plus de 10 secondes et doivent dribbler ou faire une passe.
Les femmes foncent dans le tas
En défense, les joueurs les moins mobiles sont chargés de bloquer leurs adversaires pour les empêcher de progresser sur le terrain. En attaque, les joueurs qui ont le plus de mobilité se faufilent dans les brèches pour se rapprocher de la ligne de but adverse. Certes violent, le rugby-fauteuil est néanmoins l'un des rares sports mixtes. Il compte quelques femmes dans ses équipes. « Elles sont très fortes, elles n'ont pas peur de foncer dans le tas », indique Riadh Sallem, joueur de l'équipe de France âgé de 46 ans. Miranda Biletski, Canadienne et première femme à avoir participé à une finale mondiale de rugby-fauteuil en 2014, en fait partie. Pour elle, intégrer l'équipe du Canada a été comme « trouver onze nouveaux frères ». « J'aime le côté agressif, explique la joueuse de 27 ans, qui s'est blessée à la moelle épinière en faisant de la plongée lorsqu'elle était adolescente. Avant mon accident, je faisais du waterpolo de compétition. J'aimais déjà donner des coups de pied et des coups de poing dans l'eau. »
Des autos-tamponneuses
Le public brésilien, parfois frileux dans les tribunes quand son pays ne joue pas, n'a pas boudé son plaisir le 15 septembre 2016 lors des matches survitaminés du redoutable Canada face à la Grande-Bretagne, puis du Japon, qui a battu la France. Entre cris et « olas », il a vibré avec les rugbymen, comme installés dans des autos-tamponneuses. À chaque choc le public s'exclame, curieux de ce sport où, dès qu'un fauteuil perd une roue, on vient la remplacer sur le terrain. Dès qu'un joueur bascule à terre, le jeu s'arrête pour que l'on vienne le redresser. Véritables boucliers, les fauteuils de compétition, plus bas et munis de deux roues arrière anti-bascule, doivent être changés tous les deux ou trois ans, selon le joueur canadien Byron Green. « Si je n'étais pas dans l'équipe du Canada, il tiendrait peut-être quatre ans... mais on est des brutes », plaisante-t-il. Une chose est sûre pour le joueur : « Après chaque Jeux paralympiques, ils sont bons pour la casse ».
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