20 % de salariés aidants, soit 5 millions de Français contraints d'aider un proche malade ou handicapé sur leur « temps libre ». Parmi eux, 39 % s'occupent d'au moins deux personnes ; c'est 19 % de plus qu'en 2017. Ce statut de « double aidant » pourrait bientôt concerner la moitié des travailleurs. Un rôle épuisant qui impacte notamment leur vie professionnelle mais aussi l'équivalent d'une demie personne parmi leurs collègues, soit 25 % de l'effectif total d'une entreprise. Ces résultats sont issus du baromètre « Aider et travailler 2020 », présenté lors d'une web-conférence le 28 septembre, en amont de la Journée nationale des aidants du 6 octobre. Cette étude menée entre juin et juillet auprès de 600 (anciens) salariés aidants et de leurs managers et collègues fait suite à celle de 2017. Objectif ? Mesurer l'impact de l'aidance au sein des entreprises, « dans un contexte de crise où la reconnaissance et la prise en compte de leur rôle apparaît plus que jamais primordiale ».
Quel profil ?
Premier constat, plutôt rassurant : plus des trois quarts des salariés aidants parlent de leur situation sur le lieu de travail. 49 % le font avec leur manager, tandis que 30 % s'adressent directement à la direction des ressources humaines (DRH), notamment dans le but d'aménager leur temps de travail -une solution envisagée par 45 % des personnes interrogées, soit 18 % de plus qu'en 2017. L'étude réalisée par Interfacia, qui propose des solutions pour accompagner les aidants et les entreprises, souligne également leur présence dans tous types de sociétés, étant répartis de manière pratiquement équivalente entre les petites et moyennes entreprises (49 %) et celles de 250 collaborateurs et plus (51 %). Halte aux idées reçues, 49 % des salariés aidants ont moins de 50 ans. « Or, de nombreuses entreprises estiment qu'elles ne sont pas concernées par le sujet au motif qu'elles emploient très peu de seniors », constate Gabrielle Gueye, fondatrice d'Interfacia.
D'autre part, 40 % d'entre eux travaillent à temps partiel. « Un choix subi dans les trois quarts des cas, compte-tenu du manque à gagner important », précisent les auteurs de l'étude. Un obstacle d'autant plus majeur que la plupart des aidants contribuent financièrement à la prise en charge de leur proche fragilisé : à hauteur de 150 euros minimum par mois dans 70 % des cas et jusqu'à 500 euros pour 17 % d'entre eux.
Atouts VS inconvénients
78 % des sondés considèrent que ce rôle a un impact négatif sur leur travail ; une tendance en nette augmentation au cours des trois dernières années (+ 19 points). Dégradation de l'état de santé, désorganisation du travail, diminution de la vie sociale... Ces conséquences s'amplifient au fil du temps et ont une incidence sur le travail d'équipe. Or, près de 65 % des sondés aident pendant plus de six ans et 39 % plus de dix. L'aidance procure toutefois certains « avantages », certes moins manifestes, pour la moitié d'entre eux. 82 % affirment avoir acquis de nouvelles compétences grâce à leur situation tandis que cette « expertise » a permis d'améliorer la relation avec leur hiérarchie et leurs collègues pour la moitié d'entre eux. « A l'heure où les softs skills (compétences douces) prennent de l'envergure, et tandis que l'intelligence collective et la qualité du climat social sont identifiées comme des facteurs déterminants de la performance, la valorisation des atouts des aidants représente une opportunité pour les entreprises », assure Gabrielle Gueye, faisant notamment référence à leurs compétences en communication, gestion et organisation mais aussi leur résilience.
Préoccupation altruiste et raisonnable
« Manager l'aidance, tant du point de vue de l'individu que de celui de l'organisation, que ce soit pour réduire les effets négatifs autant que pour capitaliser sur les effets positifs, est devenu un enjeu crucial pour les entreprises », souligne les auteurs de l'étude. Les travailleurs non-aidants jugent ainsi à la quasi-unanimité (97 %) qu'il est important que leur entreprise mette en place des solutions concrètes pour faire face à cette problématique, une hausse de 15 % en trois ans. Une « préoccupation altruiste pour aujourd'hui et raisonnable pour demain », puisque 70 % indiquent qu'ils deviendront probablement aidants eux-mêmes au cours des cinq prochaines années.
Un livre blanc pour des aides concrètes
Pour faire face à ce phénomène grandissant, une trentaine d'acteurs (associations, entreprises spécialisées, managers, DRH...) publient un livre blanc afin d'interpeller les entreprises et les décideurs. Parmi les dix propositions formulées, figure notamment la création d'un statut de salarié-aidant, recommandant également de soutenir l'accès et le retour en l'emploi. Par ailleurs, ils encouragent les partenaires sociaux à « généraliser les aides concrètes », au niveau des branches professionnelles, pour améliorer la vie en entreprise : organisation du travail, répit, formation, dispositifs de prévention et détection des situations à risques...
Concernant les collaborateurs, ils proposent notamment l'introduction d'un questionnaire sur la situation d'aidant lors des visites médicales du travail ainsi qu'une filière dédiée au traitement des dossiers de demande de congé proche aidant, « afin que les délais de traitement n'en amenuisent pas les atouts ».
Mise en vigueur du congé proche aidant rémunéré
A ce sujet, « dès le 1er octobre 2020, tous les aidants pourront prendre un congé indemnisé », annonce Brigitte Bourguignon, ministre déléguée à l'Autonomie, le 29 septembre 2020 (article en lien ci-dessous). Versée par les caisses d'allocations familiales (Caf) ou la Mutualité sociale agricole (Msa), cette indemnité s'élève à 52 euros par jour pour une personne seule et 43,52 euros pour celles vivant en couple. « Nous avons besoin de l'engagement des entreprises pour construire une société qui reconnaît et soutient les aidants à la juste hauteur de leur engagement », affirme la ministre. « On ne pourra rien changer seul, quelles que soient notre force et notre envergure », concède Gabrielle Gueye qui exhorte à « agir maintenant ! ».
Le guide « Salariés aidants »
De son côté, l'Agirc-Arrco, le régime de retraite des salariés du secteur privé, vient de publier un guide pour « simplifier la vie des aidants et leur permettre de poursuivre leurs activités dans les meilleures conditions » (en lien ci-dessous). Conçu de manière pratique et synthétique, il vise à répondre aux questions régulièrement posées : Quelles sont les aides existantes notamment d'ordre humain et financier ? Quelles solutions de répit quand on a besoin de souffler ? Où trouver de l'information, de l'écoute, du soutien ?