Santé auditive, surdité : des recherches prometteuses...

1 milliard de jeunes de 18-25 ans à risque de développer des atteintes auditives. Comment faire face à ce fléau ? Où en est la recherche sur notre "santé auditive" ? Le point avec des chercheurs à l'occasion de la Semaine du son (16-29 janvier 2023)

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Comment se porte notre santé auditive ? Quelles sont les avancées médicales et scientifiques et les espoirs pour demain ? Un grand événement entend répondre à ces questions le mercredi 18 janvier 2023, à 19h, à l'Unesco, à Paris 7 (salle 1, accès libre et gratuit). Il est organisé dans le cadre de la 20e Semaine du son qui se tient du 16 au 29 janvier 2023 autour du thème « Savoir écouter, savoir se parler »*.

Une croissance exponentielle

Tout d'abord, un constat. Un enfant sur 700 est touché par une perte auditive sévère ou profonde dans les pays développés. Un milliard de jeunes de 18 à 25 ans sont considérés comme à risque de développer des atteintes auditives. « La sensibilisation à un 'bon son' devrait commencer dès l'école », suggèrent les scientifiques. « On constate aujourd'hui une croissance exponentielle de l'apparition de la surdité liée à l'âge, à des facteurs génétiques mais aussi au bruit », déplore le Pr Christine Petit, directrice et fondatrice de l'Institut de l'audition (article en lien ci-dessous).

Un impact sur la santé

Longtemps, les agressions auditives furent liées au travail ; aujourd'hui, elles sont aussi la conséquence de nos loisirs, et « nous sommes donc responsables de nos mauvais choix », prévient le Pr Paul Avan, directeur du Centre de recherche et d'innovation en audiologie humaine. Nous mettons de plus en plus nos oreilles à rude épreuve. « Avant, on considérait qu'on devenait gentiment sourd comme un pot avec l'âge, poursuit Christine Petit, et c'était un domaine peu exploré » mais l'explosion des cas de déficience auditive, notamment chez les plus jeunes, a permis une « réelle prise de conscience ». D'autant que les impacts peuvent être sévères... Pour Christian Hugonnet, président fondateur de la Semaine du son, « c'est le cerveau qui écoute » et « le son est donc un guide de notre bien-être et de notre survie ». On a notamment découvert qu'une perte auditive à partir de 40-50 ans contribue largement à une baisse des fonctions cognitives pouvant conduire à la démence. Pour quelle raison ? Parce que, dans ce cas, la vascularisation du cerveau change, s'amoindrit. « L'impact sur la qualité de vie ne fait plus aucun doute et conduit à l'isolement puisque, à toutes les étapes de la vie, elle engendre la rupture du lien social », insiste le Pr Petit. A ce titre, Paul Avan se réjouit du fait que le ministère de la Santé parle désormais de « santé auditive », même si la recherche dans ce domaine continue d'accuser du retard.

100 % santé : des appareils pour tous

L'introduction du 100 % santé en janvier 2021 en France, qui instaure la gratuité de certains appareils auditifs, est une « avancée majeure », selon Christine Petit. Mais, pour être efficace, ce dispositif « doit s'accompagner d'une vraie révolution dans la démarche diagnostique et le suivi des appareillages ». Car, même si de grands progrès ont été réalisés, leurs effets ne sont pas instantanés. Selon le Pr Avan, « il faut acclimater son cerveau à une nouvelle donne du son amplifié ou amélioré », ce qui suppose des réglages complexes et un temps parfois long, entre six mois et un an, pour s'habituer à son appareil. Il consent néanmoins que certains modèles « ne permettent pas toujours la restitution d'une bonne intelligibilité ». « Les appareils sont tout à fait adaptés pour les surdités classiques, 90 % d'entre elles ont un profil connu, il reste donc aujourd'hui encore 10 % de formes de surdités méconnues », précise-t-il. La recherche porte sur des algorithmes, des moyens informatiques qui permettraient de repérer les sources auxquelles le sujet appareillé voudrait s'intéresser, pour « faire face à des besoins très différents ».

Le fléau des sons compressés

Une autre bataille, c'est la lutte contre les sons compressés. Cette technique consiste à mixer un son très faible avec un son très fort. Ils sont à peu près partout, dans tout ce qui est enregistré et reproduit (ondes radio, musique enregistrée, télévision, téléphone...), avec des conséquences jugées « catastrophiques » sur les neurones de l'audition. A l'inverse, le son « naturel » des salles de concert « permet de se laver les oreilles et de faire du bien à notre cerveau », explique Christine Petit, -sans trop abuser des décibels pour autant-. Le chanteur et musicien Thomas Dutronc, parrain de cette 20e Semaine du son, s'est d'ailleurs exprimé à ce sujet le 16 janvier 2023 lors de la soirée d'ouverture. Pour « lutter contre ce fléau de l'hyper-compression », Paul Avan, également ingénieur-acousticien, travaille à la mise en place d'un label « qualité sonore ». Cette grande première mondiale sera présentée à l'Unesco en 2024.

Des appli de dépistage

En attendant, quelles solutions pour prévenir ces troubles ? Le dépistage est une clé, via des appli dédiées comme Höra (article en lien ci-dessous). Développée sous l'égide de la Fondation pour l'audition, elle permet des tester son ouïe en trois minutes chrono sur son smartphone. En moyenne, en France, on s'appareille au moins dix ans après l'apparition des premiers signaux. Il est donc important de rester attentif aux alertes, par exemple les acouphènes ; un test réalisé dans l'amphithéâtre d'une université a révélé que la majorité des étudiants en souffraient. Dans ce cas, il est recommandé de faire sans attendre un bilan avec un ORL (même si ces professionnels sont de moins en moins nombreux) car, « derrière ce système périphérique que sont nos oreilles, c'est le cerveau qui se fatigue », selon le Pr Avan.

Des traitements innovants

Qu'en est-il des nouveaux traitements ? Christine Petit constate un « changement considérable au niveau de la recherche ». Dans les trente dernières années, ce qui a débloqué la connaissance du système auditif, c'est l'approche des surdités héréditaires, avec notamment plus d'une centaine de gènes identifiés. Un changement radical ! « Le rêve de tout chercheur travaillant dans ce domaine, c'est de pouvoir guérir les pertes auditives », selon elle. L'une des solutions serait de « refaire pousser les prolongements neuronaux » puisque « le point critique dans beaucoup de formes de surdités liées au bruit ou au vieillissement est l'atteinte des neurones ». Elle insiste sur le fait qu'on ne « pourra pas restaurer l'audition si l'on ne restaure pas des neurones auditifs fonctionnels ».

Thérapies génique et cellulaire

Les chercheurs misent donc, entre autres, sur la thérapie génique et cellulaire pour prévenir l'apparition de la surdité. C'est notamment l'objectif du travail mené par la société française de biotechnologie Sensorion. Trois grands axes de développement de thérapies innovantes sont à l'ordre du jour. Tout d'abord, restaurer l'audition en traitant les maladies génétiques. Ensuite, prévenir la surdité, notamment en cas de prise de certains médicaments. Géraldine Honnet, sa directrice médicale, cite les chimiothérapies à base de platine, dédiées à la fois aux adultes mais aussi à 90 % des enfants traités pour un cancer, qui peuvent engendrer une surdité à terme (parfois dans les deux ans) ; il s'agirait alors de prescrire, en amont, de petites molécules pour protéger le système d'une perte d'audition et diminuer la sévérité de l'atteinte. Certaines demandes d'essais cliniques sont en cours, avec un accès espéré à ce traitement d'ici quatre ou cinq ans. Enfin, dernier axe, des traitements sont à l'étude via la mise en place d'essais cliniques de thérapies géniques avec l'institut Pasteur. Une demande, portant sur des enfants nés sourds profonds, sera déposée d'ici le milieu de l'année 2023. Paul Avan promet ainsi des « remèdes futuristes dès demain ».

* Du 16 au 22 janvier, la 20e Semaine du son investit l'Unesco à Paris puis, du 23 au 29, plus de 40 villes françaises et 193 pays adhérents à cette organisation internationale. Programme complet en ligne. Prochains rendez-vous : la Journée mondiale de l'audition le 3 mars et la Journée nationale de l'audition (JNA) le 9 mars.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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