Par Miodrag Sovilj
Timea Gajodi doit trouver deux millions de dollars pour soigner son bébé de 11 mois atteint d'une maladie rare. Et elle doit faire vite. En Serbie, les campagnes de collecte de fonds destinés à financer de coûteux traitements à l'étranger se sont multipliées ces dernières années. Il est fréquent de voir les visages d'enfants placardés au bord des routes. Des millions d'euros ont été levés dans le pays des Balkans où le salaire mensuel moyen est inférieur à 500 euros.
Médicament à 2M de dollars
Le fils de Timea Gajodi, Oliver, souffre d'amyotrophie spinale, maladie neuromusculaire longtemps incurable qui concerne environ une naissance sur 10 000. Sans traitement, les muscles s'affaiblissent, avec une évolution progressive vers une paralysie ou un décès, fréquemment avant le deuxième anniversaire. Son bébé est hospitalisé en soins intensifs. "Je ne sais jamais ce qui m'attend" à l'hôpital, dit cette mère de 28 ans à l'AFP. "Il est stable actuellement, mais cela ne veut pas dire qu'il le sera dans une demi-heure". "Je veux juste lui sauver la vie". Oliver a reçu en Serbie un traitement qui l'a aidé "immensément" dit sa mère. Mais elle veut qu'il aille à l'étranger pour recevoir une thérapie génique administrée en dose unique et qui "mettrait un coup d'arrêt total à la progression de la maladie". A plus de deux millions de dollars, le Zolgensma du suisse Novartis est réputé être le "médicament le plus cher du monde" (article en lien ci-dessous). Le groupe pharmaceutique évoque des coûts inférieurs à ceux des traitements existants pour cette thérapie issue elle-même de recherches financées en partie en France par des campagnes de dons connues sous le nom de Téléthon.
Campagnes de dons nationales
Les parents d'Oliver et de quatre autres enfants serbes touchés se sont tournés vers le public, invité à contribuer en envoyant par sms deux euros environ à des numéros spéciaux. Leur campagne est couverte quasiment tous les jours par les médias. En six mois, elle a permis de lever huit millions d'euros, soit assez pour quatre enfants. Oliver est le dernier à attendre. Ces six dernières années, une association caritative a reçu à elle seule 10 millions de sms pour financer des traitements divers. Certains citoyens ont vendu leur maison secondaire pour participer, selon la presse serbe. Marija Serifovic, star de la pop et lauréate de l'Eurovision, vient de donner un concert en ligne pour Minja Matic, 14 mois, également atteinte d'amyotrophie spinale. "Je chanterai tant que j'aurais de la voix, jusqu'à ce qu'on collecte de l'argent pour Minja", a-t-elle expliqué. Peu de temps après, c'était chose faite.
Les asso mobilisées
L'accès aux soins est théoriquement gratuit en Serbie. Mais, selon les associations, les traitements innovants ou à long terme sont souvent inaccessibles. Katarina Danojlic, de "Podrzi zivot" (Soutenez la vie), explique que sa fondation est contactée tous les jours par des parents paniqués auxquels les services de santé publique n'ont pas pu répondre. "Si le système de santé faisait son boulot, notre organisation n'aurait pas lieu d'être", déclare-t-elle. Slavica Vasiljevic s'est tournée vers les associations caritatives pour recueillir les 60 000 euros correspondant à des programmes de réhabilitation innovants en Croatie pour son fils de six ans atteint de paralysie cérébrale. "Il a fait des progrès cognitifs, il a des capacités motrices plus raffinées", dit-elle à l'AFP en souriant. "Il peut même se tenir debout pendant quelques secondes". La Serbie alloue un budget spécifique pour traiter à l'étranger les enfants victimes de maladies rares mais selon les associations, cela ne suffit pas à couvrir tous les besoins.
Problèmes de priorités ?
Le président serbe Aleksandar Vucic fait valoir que les campagnes de dons sont fréquentes dans "quasiment tous les pays occidentaux". Il explique également qu'un traitement efficace contre l'amyotrophie spinale, le Spinraza du laboratoire américain Biogen (article en lien ci-dessous), est disponible en Serbie. Les voix critiques accusent les autorités d'avoir un problème de priorités et dénoncent des projets publics coûteux comme des "fontaines chantantes" à Belgrade. Plus de 100 000 personnes ont signé une pétition pour demander que les financements prévus par les municipalités pour célébrer le Nouvel An, de toute façon en demi-teinte pour cause de pandémie, servent aux traitements de six enfants. Sept municipalités ont répondu présentes mais pas les grandes villes comme Belgrade ou Novi Sad. "On n'a qu'à payer les politiciens par sms et soigner les enfants avec l'argent du budget", ironise un utilisateur des réseaux sociaux.