"Les gens ont peur de parler ouvertement de sexe", explique le para skieur argentin Enrique Plantey, 39 ans, aux côtés de sa copine Triana Serfaty, une Espagnole "valide" avec qui il est en couple depuis dix ans. "Le principal problème, c'est que les personnes en situation de handicap pensent qu'elles ne peuvent plus avoir de vie sexuelle et donner du plaisir. Ce qui est faux."
Un compte Insta pour diffuser des infos sur le sexe
Paraplégique à l'issue d'un accident de la circulation à l'âge de 11 ans, Enrique Plantey n'a plus de sensations en-dessous de la ceinture, organes génitaux compris. En 2020, il a créé avec sa copine le compte Instagram "Sexistimos", ainsi nommé en référence au mot "sexe" et à l'expression en espagnol pour "Nous existons". Ambition : fournir aux personnes en situation de handicap des informations sur le sexe. "Ces informations existent. Le problème, c'est que souvent elles ne sont pas diffusées", explique Triana Serfaty.
Le "para-orgasme"
Outre des conseils tirés de leur propre expérience, Enrique et Triana proposent des discussions en ligne avec des sexologues et des thérapeutes. Le couple a également rédigé un guide pratique "pour expliquer aux gens ce qu'ils peuvent faire dans leur vie sexuelle", explique Enrique. La plupart des hommes qui viennent le voir lui posent des questions sur un sujet bien précis : l'érection. "Personnellement, j'utilise souvent du Viagra, qui me permet d'avoir une érection. Mais comme je ne ressens rien en-dessous de la ceinture, que j'utilise ou non mon pénis pendant l'acte, ça ne change rien en termes de sensations", explique l'Argentin. "Donc, avec Triana, on travaille et on promeut ce qu'on appelle le para-orgasme : c'est-à-dire essayer de trouver des sources de plaisir dans toutes les parties du corps, pas seulement au niveau des parties génitales."
Le rôle essentiel de la communication
Face au handicap, l'Argentin souligne aussi l'importance de la communication avec son ou sa partenaire. "Avec Triana par exemple, je sais comment lui faire plaisir. Et elle sait comment me faire plaisir", souligne-t-il. Autre exemple de problème affectant les personnes paraplégiques, qui n'ont plus de sensations dans les membres inférieurs : elles doivent régulièrement utiliser un cathéter urinaire pour vidanger leur vessie. Avant tout rapport sexuel, elles doivent passer aux toilettes pour réaliser une purge d'urine, afin d'éviter toute coulée intempestive durant l'acte. Mais, pour beaucoup de personnes, "c'est embarrassant d'en parler" à leur partenaire et "certains n'essaient même pas d'avoir une vie sexuelle, par peur d'une fuite", explique Enrique Plantey. "Ce passage aux toilettes fait partie de la sexualité. Il doit être vu comme quelque chose de normal", souligne Triana Serfaty.
Briser les idées reçues
La jeune femme de 29 ans dit aussi se battre contre ce qu'elle appelle des idées préconçues. "Son docteur lui avait dit qu'il ne pourrait plus avoir de relations sexuelles", raconte-t-elle. "Mais depuis qu'il a appris à connaître son corps, il a réalisé que c'était faux. Tu dois voir toi-même ce dont tu es capable. Personne ne peut décider à ta place."
L'expertise de l'Argentin, porte-drapeau de son pays à la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques de Pékin 2022, a vite été connue dans la petite communauté des para-sportifs. "Beaucoup au village paralympique viennent me voir pour parler de sexe et poser des questions", explique Enrique Plantey. "Encore l'autre jour, quelqu'un -je ne dirai pas qui- est venu me trouver, devant ma chambre, pour me demander du Viagra", rigole-t-il. Le couple a-t-il mis en pratique ses précieux conseils durant les Paralympiques ? "Nous étions dans des chambres séparées", sourit Triana Serfaty. "Il devait se concentrer sur sa compétition."