Paris 4e. Trafic intense face au BHV. Des piétons par milliers dans cette rue de Rivoli frénétique. Dans l'empressement des Fêtes, les Parisiens remarqueront-ils ces visages ? Ceux de Ruben, Eléonore, d'autres encore, qui s'affichent sur les grilles de l'Hôtel de ville de Paris. 26 panneaux de photos ont été dévoilés le 8 décembre 2017. Ils sont accompagnés des textes d'Olivia Cattan, présidente de SOS autisme France, à l'origine de ce projet. Cette expo a pour titre « Je suis autiste, et alors ? ». Les photos, pour la plupart en noir et blanc, sont signées Audrey Guyon, Nikos Aliagas (l'animateur, eh oui !) et Yann Arthus-Bertrand.
Sourires et sujets intimes
Elles ont pour objectif de lutter contre les clichés et les préjugés qui entourent l'autisme. Sensibiliser mais surtout favoriser des accompagnements spécifiques avec des professionnels bien formés, de la crèche jusqu'à l'emploi. SOS autisme affirme que « la France a 40 ans de retard, et l'intégration des personnes autistes est loin d'être atteinte ». Selon elle, « seuls 20% des enfants autistes vont à l'école primaire, moins d'1% des adultes a accès au travail. La discrimination impacte également les clubs de sport et les lieux de culture. » Sur ces images, des scènes de vie : l'école, l'emploi, la santé, la place des mères et des pères, la fratrie, l'amour et la sexualité, la croyance, le lien avec la nature et les animaux… Des sourires et des moments d'intimité mais des sujets plus lourds aussi, comme les placements abusifs dont sont victimes certains enfants, leur exil vers la Belgique, l'invisibilité de 600 000 citoyens.
3 photographes inspirés
Ces photos ont été prises à l'été 2017. Laure De la Ronde, vice-présidente de SOS autisme, affirme que Nikos Aliagas connait bien le handicap et a souhaité accompagner l'association malgré un timing très serré. « Il a réussi à capter des émotions intenses avec mon fils qui était pourtant très agité. Malgré les crises à répétition, avec patience, il a su saisir la bonne expression au bon moment. » Audrey Guyon est la maman d'Eléonore, 6 ans, atteinte du syndrome de Rett. Photographe professionnelle, elle a signé plusieurs clichés, et son fils Benjamin écrit un texte sur sa soeur. « J'étais évidemment concernée, explique-t-elle. Cela me tenait à cœur de porter un regard différent sur l'autisme. D'ordinaire, le handicap on ne le rend pas beau alors j'avais envie de montrer le contraire. Cette expo permet de dépasser la vision qu'on a des personnes autistes au premier abord. »
Priorité aux mairies
Son objectif ? S'afficher sur les mairies de France. « Parce que c'est dans ces endroits qu'on a un maximum de visibilité, poursuit Laure De la Ronde. Et parce que le maire est en lien étroit avec ses administrés, c'est lui qui est moteur pour faire bouger les choses. Paris nous offre une visibilité maximale, c'est un peu notre carte de visite pour convaincre d'autres villes. » Ce jour-là, Anne Hidalgo a fait faux bond ; elle était aux obsèques de l'écrivain Jean d'Ormesson. Mais Laure assure que la maire de Paris a accueilli ce projet avec « beaucoup d'enthousiasme, avec l'envie explicite de communiquer sur l'inclusion des personnes handicapées dans toutes les sphères. »
Personnalités au RV
Sophie Cluzel, secrétaire d'État en charge du handicap, était présente, aux côtés de nombreuses personnalités qui ont tenu à apporter leur soutien à cette initiative : Elsa Zylberstein, Catherine Lara ou encore Albert Algoud, chroniqueur à France Inter, père d'un jeune autiste de 27 ans. Et le comédien Hugo Horiot, lui-même autiste. Des élus aussi comme le député Adrien Taquet qui est missionné par le gouvernement pour simplifier les procédures auxquelles sont confrontées les personnes handicapées.
Dans toute la France ?
Cette expo est visible gratuitement durant deux mois, jusqu'à mi-février 2018, sur les grilles de l'Hôtel de ville. Le jour de l'inauguration, le personnel d'accueil de l'espace d'exposition situé au 29 rue de Rivoli (Paris 4e) promet : « On va les porter vos tee-shirts pour recevoir le public ». Dessus, blanc sur noir, est écrit : « Je suis autiste, et alors ? ». Ce message sera-t-il délivré dans d'autres villes ? L'expo doit voyager jusqu'à Bordeaux et Marseille en 2018. Et espère s'afficher en grand format prochainement sur les grilles du jardin du Luxembourg à Paris.