Sport : le combat d'un blessé de guerre pour se reconstruire

Sa vie a failli s'arrêter il y a deux ans dans l'explosion d'une mine au Sahel. Amputé d'une jambe et d'un avant-bras, le caporal-chef Manuel livre désormais un nouveau combat, loin des théâtres d'opérations : celui de la reconstruction.

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Par Daphné Benoit

Juillet 2017, dans le nord-Mali. Au volant d'un véhicule blindé, le secouriste au combat roule sur un engin explosif artisanal (IED), principale menace pour les soldats français déployés dans la bande sahélo-saharienne. "Tout de suite, j'ai réalisé qu'il me manquait un bras", raconte posément Manuel. "Le véhicule commençait à être encerclé par les flammes. J'ai réussi à sortir le haut du corps, puis des camarades m'ont extrait du blindé. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé que je n'avais plus de jambe droite".

Visage partiellement arraché

Rapatrié en France en 24 heures, le grand blessé est accueilli en soins intensifs à l'hôpital militaire de Percy, en banlieue parisienne. Opérations et rééducation s'enchaînent. L'aide-soignant doit subir plusieurs interventions chirurgicales au visage, partiellement arraché dans la déflagration. Deux ans plus tard, le parcours médical est plus léger mais les allers-retours à Percy restent fréquents. "J'ai encore pas mal d'œdèmes, ça pose problème au niveau de l'appareillage", explique ce militaire de 36 ans dont 17 d'armée, passé par l'Afghanistan, le Kosovo, le Tchad et la Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, il reste en fauteuil roulant faute d'avoir trouvé une prothèse adaptée. Un frein sur le chemin de l'autonomie qui n'empêche pas Manuel de pratiquer l'escrime. Deux fois par semaine, il vient croiser le fer avec son maître d'armes, Stéphane, au Centre sportif de l'institution nationale des Invalides (CSINI), ouvert aux militaires blessés.

Bouffée d'oxygène

"Ici je m'éclate. Ces cours d'escrime, c'est ma récréation, ma bouffée d'oxygène, mon petit moment pour me défouler" hors de l'univers hospitalier, sourit Manuel, sabre dans la main gauche. "C'est pas évident, confie-t-il, j'étais droitier avant, je dois tout réapprendre". Une passion nouvelle, découverte début 2018 lors d'un stage handisport organisé par la CABAT (cellule d'aide aux blessés de l'armée de Terre) et des associations, Terre Fraternité et Solidarité Défense. "Quand on est militaire, par définition, on a un métier pas mal basé sur le physique, que la blessure vient diminuer, amoindrir, explique le commandant Bertrand, directeur du CSINI. La reconstruction par le sport permet de montrer à ces hommes et femmes que même malgré le handicap, on peut encore être soi-même et tutoyer ses limites". "Ici, je ne me sens pas du tout différent, tout le monde a l'habitude de travailler avec des blessés", affirme le caporal-chef dans la salle de sports aux murs jaunes, nichée au cœur de l'hôtel des Invalides. Une bulle bienveillante qui contraste avec un monde extérieur parfois hostile. "Dans le civil, il y a toujours le regard des gens, des enfants qui se posent des questions... C'est normal, mais leurs parents font semblant de ne pas me voir, ils ne leur expliquent pas qu'on peut avoir des accidents dans la vie, qu'on peut être handicapé", souffle Manuel en perdant brièvement son contagieux sourire.

Coupe du Monde avec Macron

Sa nouvelle vie lui a aussi réservé de belles surprises, raconte-t-il en montrant fièrement son maillot de l'équipe de France de football. L'an dernier, Emmanuel Macron l'a emmené voir la Coupe du monde à Moscou, où il a fêté la victoire avec les Bleus dans les vestiaires. La vidéo de la rencontre, diffusée sur les réseaux sociaux par Paul Pogba, a été très partagée. "La veille du 14 juillet 2018, j'ai rencontré le président, on a discuté et il m'a invité à aller voir la finale avec lui. Je ne m'y attendais pas du tout. C'était grandiose", s'enthousiasme ce fan du ballon rond en racontant ses embrassades avec les joueurs fraîchement sacrés champions du monde et leur entraîneur, Didier Deschamps, son idole. "J'ai même pu porter la Coupe, pourtant le protocole est super strict", s'amuse Manuel en évoquant dans un éclat de rire "un pur moment de bonheur, un rêve de gosse".

En septembre, il aidera à l'organisation de la Corrida Mounarde, une course à pied familiale dans la Loire, son pays natal. "Des rêves, j'en ai pas plus que n'importe qui. Malgré mon accident, je reste une personne normale. Je rêve juste d'un avenir meilleur, comme tout le monde, tout simplement".

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