Par Catherine Fay-de-Lestrac
Ils s'épuisent à assister leurs parents âgés ou malades, ne peuvent pas prendre de vacances car leur enfant handicapé nécessite des soins non-stop... Eux, ce sont les aidants. "Quand on prend soin d'un parent, d'un conjoint, il faut aussi qu'on puisse souffler pour le bien de la personne qu'on accompagne et pour sa propre santé", a souligné le 6 octobre 2023 la ministre des Solidarités Aurore Bergé, en dévoilant sa "stratégie Agir pour les aidants 2023-27" à l'occasion de la Journée nationale dédiée.
Impact sur la santé physique et mentale
Certains négligent leur santé parce qu'ils ne peuvent pas laisser seul leur conjoint pour aller voir un médecin voire se faire opérer. Ils se privent parfois d'activités. Ils se sentent seuls car c'est difficile de trouver de l'aide à domicile ou un médecin traitant, décrivent les associations. "Quand papa est tout seul à la maison, il est en danger. Ma mère travaille et pour ma petite sœur de 13 ans c'est difficile psychologiquement. Papa est devenu un gros bébé... C'est très difficile au quotidien pour tout le monde", témoigne Marie-Line, une aidante de 27 ans, dans l'accueil de jour Les Pensées géré par l'association Alzheimer aidants Var à Ollioules.
Des décès prématurés
"Leur dévouement a un impact sur leur santé mentale et physique : problèmes de sommeil, d'articulations, burn out, syndrome dépressif, troubles psychiques", énumère Morgane Hiron, déléguée générale du collectif Je T'aide. "Un chiffre m'a beaucoup interpellée : actuellement, la moitié des aidants décède avant la personne qu'ils aident (...) Ce chiffre démontre la détérioration potentielle de la santé des aidants. Il était donc plus qu'urgent d'agir", selon Aurore Bergé.
40 000 places de répit en 2027
Pour "prendre soin de ceux qui prennent soin des autres", dixit la ministre Aurore Bergé, le gouvernement promet la création de 6 000 nouvelles "places de répit" dans des structures adaptées à qui ces aidants peuvent confier un proche dépendant, pour une journée ou plusieurs jours. Cela portera à 40 000 les "places de répit" d'ici à 2027 pour les personnes âgées et handicapées. Le gouvernement entend "garantir" d'ici 2027 "15 jours de répit a minima par an pour chaque personne qui doit aider un proche", selon Mme Bergé.
Médicosocial : 600 places de plus le week-end
Au moins neuf millions de Français s'occupent d'un parent handicapé ou âgé. Ils sont de plus en plus nombreux avec le vieillissement de la population et le fait que les seniors préfèrent vieillir à domicile plutôt qu'en Ehpad, selon les associations. Une population hétérogène, avec des niveaux d'engagement très variés, relevait la Drees dans une étude de mai 2023. Le service statistique des ministères sociaux évaluait à 1,8 million "les plus impactés", ceux qui consacrent plus de 20 heures par semaine à la personne aidée. Pour les personnes handicapées spécifiquement, la stratégie promet 650 nouvelles places en accueil temporaire, pour les porter à 4 000. En complément, les établissements ou services médico-sociaux (ESMS) ouvriront 600 places pendant les vacances et les weekends.
Une vie professionnelle impactée
Une personne peut par ailleurs se retrouver aidante à plusieurs moments de sa vie, pour s'occuper d'un enfant handicapé puis d'un parent vieillissant. Le gouvernement va permettre de cumuler plusieurs congés proche-aidant au cours de sa vie. Indemnisé à hauteur du SMIC, il ne peut excéder actuellement un an dans la vie d'une personne (Lire : 2022 : le congé proche aidant élargi et indemnisé au Smic). Mais les entreprises doivent aussi lever le "tabou" sur ces situations et accompagner davantage leurs salariés, selon Mme Bergé qui, pour montrer l'exemple, a signé une "charte d'engagement" avec de grandes entreprises (SNCF, la Poste, l'Oreal, la BNP...) s'engageant à mieux accompagner leurs salariés aidants. "Il faut que les entreprises aient une vraie culture de bienveillance à l'égard des aidants, en les soutenant financièrement, en renforçant le congé proche aidant auquel ils ont droit", incite-t-elle.
"On peut être aidant et mener une vie professionnelle", sans "devoir démissionner, changer d'entreprise", assure la ministre. Car beaucoup d'aidants réduisent leur temps de travail voire démissionnent pour s'occuper de leur proche, réduisant leurs droits à la retraite, relève Morgane Hiron, qui souligne que les aidants sont "mal informés" et "peu détectés".
Guichet unique et autres mesures
La stratégie 2023-2027 prévoit également la création d'un interlocuteur unique dans tous les départements. "Nous voulons donner naissance à un service public départemental d'autonomie, une sorte de guichet unique physique facilitant la vie et les démarches des aidants", précise Mme Bergé.
Autres engagements de la stratégie : l'ouverture de la validation d'acquis d'expérience (VAE) aux proches aidants, un plan de repérage massif ainsi que l'amélioration de l'accès aux bourses pour les étudiants aidants.
Développer les accueils de jour
Marine Le Pen a profité de cette journée des aidants pour se rendre dans le centre d'accueil de jour Les Pensées dans le Var, plaidant pour "développer" ce type de structures : "Les aidants veulent pouvoir avec souplesse se dire 'je pars deux ou trois jours parce que j'ai le baptême du petit, le mariage de ma fille donc je peux laisser mon conjoint, mon parent", a déclaré la présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale.