« Je suis née sans articulation de la hanche et avec de très courts fémurs. » Ce sont les premiers mots prononcés par Ella Glendining dans le documentaire qu'elle a réalisé, Suis-je vraiment la seule ?, disponible sur Arte.tv jusqu'au 23 juin 2025. La jeune femme âgée de 33 ans, originaire du Norwich au Royaume-Uni, est en effet un cas unique : aucune statistique scientifique fiable n'émerge au sujet de sa pathologie. Pourtant, elle est convaincue qu'elle n'est pas « une espèce à part », que quelque part dans le monde, un autre humain fait face aux mêmes difficultés.
Un manque de représentations
Née avec une malformation rare affectant ses hanches et ses fémurs, générant des jambes de petite taille, Ella Glendining a longtemps ressenti un sentiment d'isolement, amplifié par le manque de représentations de personnes partageant sa condition. « C'est seulement à l'entrée à l'école que j'ai compris comment le reste du monde me percevait. » Un constat qui la pousse à tenir, à l'âge adulte, un journal vidéo et à se filmer pendant plusieurs années, pour visibiliser sa différence à la recherche de vies semblables à la sienne. Son documentaire retrace sa quête, d'abord sur les réseaux sociaux, puis en réel. « Je veux voir mon reflet dans une autre personne », insiste-t-elle.
Tout documenter
Sa recherche l'amène sur des terrains inexplorés, avec de nouvelles questions à la clé. « Je n'ai encore trouvé personne ayant les jambes exactement comme les miennes », déplore la jeune femme qui parle, la plupart du temps, en mode selfie avec son téléphone. À travers des images personnelles et des vidéos d'archives familiales, Ella partage son quotidien, ses défis et les échanges avec les proches qui l'accompagnent. Elle documente par exemple sa grossesse, et notamment son désir d'accoucher normalement. Là encore, ce moment de vie censé être « ordinaire » bascule dans l'extraordinaire et est rattrapé par des difficultés liées au handicap. La trentenaire ne trouve aucun témoignage sur le web de femmes en situation de handicap ayant « accouché par voie basse ». Ce sera donc une césarienne. Un moment, là encore, documenté.
« Le monde se porterait moins bien sans personnes handicapées »
Ce film met en lumière les discriminations auxquelles elle fait face, tout en célébrant les moments de solidarité et d'espoir. Même lorsque la jeune femme entrevoit la possibilité de se faire opérer, cette démarche l'amène à interroger sa propre identité. Serait-elle la même avec de nouvelles jambes ? Finalement l'opération n'a pas lieu, « c'est trop tard ». Cette démarche documentaire la mène en revanche sur le chemin de l'acceptation. « Je sais que je suis choquante à regarder. C'est dans la nature humaine d'être choquée à la vue d'une personne si différente. Mais ce qui importe, c'est ce qui vient ensuite, la façon dont on traite quelqu'un une fois le choc passé. Le monde se porterait moins bien sans personnes handicapées. »
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