Les dunes de neige s'accumulent à perte de vue. Sous le vent polaire venu de l'est, le Svalbard sonne creux. Tel un retour dans le passé jusqu'à la dernière période glaciaire, toute trace de vie semble disparue. Au loin, pourtant, se mouvant lentement dans ce désert blanc, huit points noirs. En s'approchant, on parvient à mieux percevoir les masses sombres progressant dans l'océan de flocons caractéristique du Svalbard, un archipel norvégien. Huit êtres que le temps semble avoir délaissés. Si les sept premiers se déplacent en mettant un pied devant l'autre, l'ultime membre de la étrange troupe, Vincent, avance à la force de ses bras avec l'aide de ses co-équipiers. Assis sur un fauteuil fixé sur deux skis, le jeune homme paraplégique se plaint plus d'être un « parasite » que du grand froid. Une fois la montée du Newtontoppen achevée, il pourra enfin retrouver une plus grande autonomie. La descente, c'est seul qu'il l'effectue. Accompagné de ses amis d'enfance, peut-être observé par un des ours blancs vivant sur l'archipel, Vincent dévale la pente, « en paix » avec son handicap.
Se transcender pour vivre en paix avec son handicap
Gravir le sommet du Svalbard, culminant à 1 713 mètres, pour ce projet, appelé « Handicap au nord », a émané de Vincent De Lepeleire lui-même. Paraplégique depuis 2013 à la suite d'un accident de bûcheronnage, il reste un amoureux invétéré des sports en pleine nature. C'est pour pouvoir mieux vivre son handicap qu'il décide de se lancer un défi où il devra se transcender ; il appelle cela « muter ». Après avoir créé l'association « Riding Over 73 » en janvier 2014 pour mener à bien la préparation de l'expédition et une première reconnaissance des lieux en avril 2014, la fine équipe embarque un an plus tard vers la Norvège. Moniteurs de ski, guides ou infirmiers mais tous passionnés ; les sept compagnons de Vincent ne cachent pas que « nous ne l'aurions jamais fait s'il n'avait pas été là mais il ne l'aurait jamais fait sans nous ». Sur les dix jours de voyage au total, les Savoyards vont en passer cinq en autonomie, « coupés du monde ».
L'aventure racontée dans un film
Pour Vincent, « le handiski n'est pas un sport adapté, c'est un nouveau sport, mais les sensations et les amis sont une fois de plus présents ». A l'aller, sa grimpette du mont Newton est assurée en majeure partie par le reste de la troupe. Ce n'est que sur le chemin du retour qu'il peut profiter pleinement de la pente, de sa liberté et de ces sensations. Des souvenirs et des images qui, à peine quelques semaines plus tard, sont rassemblées dans un film de 50 minutes (extrait de 10 minutes à voir ci-dessous). Un mélange de scènes drôles, de témoignages, d'esthétique empruntée aux vidéos de free-ride… Mutation au sommet est une compilation de clichés d'aventure qui en met plein la vue. Les paysages, époustouflants, ajoutent, à la dimension jeune et fraîche du film, un avant-goût d'évasion. Au gré du vent polaire mais aussi du soleil du nord, toujours brillant.
© Damien Artero